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SITUATION FINANCIÈRE DE LA FRANCE.

qu’en 1847 tout nouveau travail d’utilité publique, sachant bien qu’un système de finances est toujours mauvais quand il lie les mains pour l’avenir à une grande nation.

Il y a plaisir à voir comment le déficit, péniblement échafaudé dans la loi des crédits supplémentaires en décembre 1840, s’est réduit d’année en année, entre les mains du ministère actuel, sans qu’il ait eu besoin de se signaler par une recherche bien passionnée ni bien efficace de l’économie dans le maniement des deniers publics.

Quelques jours s’étaient à peine écoulés depuis la lecture de son premier exposé que M. Humann, présentant le budget de 1842, en donnait une seconde édition dans laquelle il retranchait d’un trait de plume plus de 200 millions ; le découvert probable des trois années 1840, 1841 et 1842, s’y trouvait ramené au chiffre de 505 millions qui, joints aux 534 millions de travaux extraordinaires, présentaient un chiffre total de 1 milliard 39 millions.

Ce milliard est celui sur lequel souffla la parole de M. Thiers, dans la discussion des crédits supplémentaires[1]. Il prouva sans peine que les commissions nommées par la chambre, tout en accordant au gouvernement les crédits sérieusement demandés, trouvaient 100 millions à retrancher de ses évaluations. Voilà donc le déficit réduit à 939 millions, en avril 1841. À la fin de l’année, il ne s’élevait plus par aperçu qu’à 896 millions, ainsi que M. Humann le déclarait lui-même en présentant le budget de 1843[2]. Le même ministre annonçait, dans le même document, qu’au moyen de quelques atténuations, par l’accroissement naturel des recettes et en faisant emploi des réserves de l’amortissement, le découvert se trouverait réduit encore de 95 millions au 1er janvier 1843, et ne représenterait plus qu’une somme ronde de 800 millions.

Pendant que s’opérait cette diminution successive de 440 millions dans les hypothèses financières du cabinet, le ministère en était venu à se rassurer lui-même, et il ne demandait plus qu’à faire passer l’opinion publique d’une terreur sans mesure à une imprudente sécurité. Les crédits supplémentaires avaient repris leur cours ; il y avait entre les ministres comme une émulation de projets et de dépenses. Le ministre des travaux publics, laissant tous ses collègues bien loin derrière lui, avait présenté d’un seul coup et fait adopter aux chambres une loi sur les chemins de fer, qui, avec toutes ses dépendances, n’ajoutait pas moins de 7 à 800 millions, un second mil-

  1. Séance du 12 avril 1842.
  2. Budget de 1843, page 8.