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TRAVAIL DES ENFANS DANS LES MINES.

en Angleterre et sur les devoirs de la législature à leur égard. « Les rapports que j’ai entretenus depuis plusieurs années avec les classes ouvrières, disait le noble lord, soit par des communications directes, soit par correspondances, ont été si étendus, que je crois avoir le droit de dire que je connais à fond leurs sentimens et leurs habitudes, et que je suis en état de prévoir leurs mouvemens probables. Je ne redoute pas de cette partie de la population une explosion violente et générale ; ce que je crains, ce sont les progrès d’une plaie dangereuse, et qui, si nous tardons plus long-temps à nous en occuper, deviendra incurable, car elle menace déjà d’envahir le corps social et politique : je crains qu’un jour peut-être, si les circonstances nous forcent à demander au peuple une énergie, un effort extraordinaire de vertu et de patriotisme, nous ne trouvions les forces de l’empire entièrement épuisées par le mal terrible qui en aura atteint les principes vitaux. Je sais bien qu’il y a beaucoup d’autres choses à faire pour les classes pauvres, mais je suis convaincu que la loi que je propose est un préliminaire indispensable. Les souffrances de ces classes, si destructives pour elles-mêmes, sont inutiles, sont funestes à la prospérité de l’empire ; fût-il même prouvé qu’elles sont nécessaires, cette chambre hésiterait, j’en suis assuré, avant de prendre sur elle d’en tolérer la continuation… Vous pouvez cette nuit raffermir les cœurs de plusieurs milliers de vos compatriotes ; vous pouvez les aider à s’élever à une vie nouvelle, à entrer dans la jouissance de leur héritage de liberté, et à profiter, s’ils le veulent, des enseignemens de vertu, de moralité, de religion, qui vont leur être offerts… La chambre me pardonnera de finir un discours pour lequel je réclame son indulgence en lui rappelant ces paroles de l’Écriture sainte : Effaçons nos fautes par l’esprit de justice, et nos iniquités en témoignant notre miséricorde au pauvre, si nous voulons nous assurer une longue tranquillité.

Ces nobles et simples paroles nous ramènent aux considérations que nous avons exposées au début de ce travail. Oui, les intérêts même de la classe qui jouit en Angleterre de la double prérogative de la fortune et de l’autorité lui commandent de s’occuper avec sollicitude du sort des classes laborieuses. Les membres les plus intelligens du parti conservateur le comprennent ; les journaux tories sont ceux qui montrent le plus de zèle à appeler sur la condition des ouvriers l’attention de l’opinion éclairée et des pouvoirs de l’état. Il y a peu de jours encore, un de ces journaux, le Morning-Herald, plaçait nettement sur ce terrain les problèmes dont la discussion doit dominer les débats de la prochaine session, et décider de l’avenir de l’administration de sir Robert Peel. Pourra-t-on apporter au mal qui ronge les classes ouvrières, le paupérisme, à ce mal dont les causes touchent à tant d’élémens du mécanisme social qui échappent au pouvoir de l’homme d’état, un remède efficace, assuré ? Il n’est malheureusement que trop permis d’en douter. Les partis hostiles offrent tous, il est vrai, leurs trompeuses panacées. À entendre les whigs, on dirait que le bien-être des ouvriers, la sécurité des travailleurs,