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chefs Bronkhorst et Potgeiter revenaient gaiement apporter à la petite colonie la nouvelle qu’une terre riche et abondante les attendait ; mais ils ne trouvèrent rien qu’un sol ensanglanté, couvert des ossemens de leurs frères ! C’était Moselekatse qui les avait attaqués, et vingt-quatre d’entre les colons étaient morts dans le combat.

Les états de ce monarque sont immenses ; la Vaal les borne au sud, et c’est de ce côté que des Griquas, profitant de l’absence des guerriers matabilis, avaient poussé leurs incursions souvent couronnées d’un plein succès, puisqu’ils étaient venus à bout d’enlever, dans l’une de ces expéditions, tous les troupeaux paissant en liberté sur les terres de Moselekatse. Depuis lors, le monarque avait expressément défendu à tout homme, trafiquant, chasseur ou autre, d’aborder ses états par ce côté : de fortes divisions de Matabilis parcouraient ces parages pour mieux faire respecter ses ordres ; mais la route restait toujours ouverte par Kuruman ou New-Littakoo. Or les émigrans, formidables par le nombre, s’avançant par le chemin prohibé jusqu’aux frontières et même jusqu’au territoire de Moselekatse, devaient exciter la colère de cet ombrageux despote ; de plus leur magnifique bétail était une tentation pour lui, il s’était décidé à donner une leçon aux pionniers, afin de leur apprendre qu’on n’entrait pas ainsi sans cérémonie sur ses domaines, et qu’au moins fallait-il tâcher d’obtenir sa bienveillance par des présens. La leçon avait été terrible. Les cinq cents guerriers envoyés contre les émigrans rencontrèrent, chemin faisant, le colon Erasmus qui chassait l’éléphant, toujours dans la partie réservée. Un soir qu’il arrivait seul à ses chariots avec son fils, Erasmus les vit serrés de près par une bande de sauvages armés ; il partit au galop vers le camp le plus voisin, en ramena sept colons déterminés, et, après un combat opiniâtre, les Matabilis se retirèrent, laissant un grand nombre de morts ; les Hollandais n’avaient perdu qu’un des leurs.

Ceci n’était que le prélude d’un drame plus sanglant ; neuf chariots groupés à une petite distance du camp furent assaillis par un parti de ces mêmes sauvages, le bétail fut enlevé, vingt-quatre Hollandais restèrent sur la place. Six jours après, Erasmus, voulant savoir au juste quel avait été le sort des siens, osa reparaître dans ce lieu fatal : deux de ses fils étaient prisonniers, les cadavres de ses cinq esclaves gisaient sur le sol, et la trace des chariots indiquait qu’ils avaient été conduits vers Kapain. Le capitaine Harris les y trouva en effet, renfermés dans le milieu du kraal.

Après ce désastre, les émigrans, rejoints par ceux qui revenaient