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EXPÉDITION DU CAPITAINE HARRIS.

du nord-est, revinrent sur leurs pas, s’éloignèrent de la frontière si rigoureusement défendue, et campèrent de nouveau aux bords de la Donkin ou Nama-Hari, tributaire de la Vaal. Abattus par le découragement et le chagrin, ou peut-être heureux d’une indépendance si chèrement achetée, les émigrans restaient là, sans songer à traiter d’une manière quelconque avec Moselekatse, qui bientôt les fit attaquer par une véritable armée. Leur mode de défense, car il n’était plus temps de fuir, fut celui qu’adoptent généralement aussi les carreteros de la Pampa ; ils formèrent un enclos avec leurs cinquante wagons bien liés entre eux par les cordes d’attelage ; au centre de cette forteresse improvisée, ils en formèrent une plus petite pour les femmes et les enfans. Pleins de courage et de résolution, ils marchèrent à cheval au-devant des cinq mille Matabilis, mais tout en se battant ils finirent par reculer jusque dans leurs retranchemens ; là, les sauvages les chargèrent avec furie ; dix fois repoussés, dix fois ils revinrent au combat. Les Hollandais avaient à défendre leur vie, celle de leurs femmes et de leurs enfans ; après un quart d’heure d’une lutte désespérée, les sauvages furent complètement battus ; lançant leurs javelots par-dessus l’enceinte, ils s’éloignèrent bientôt, sans pouvoir cacher leur perte, qui était de cent cinquante guerriers. L’attaque avait été dirigée par Kapili, ce ministre de Moselekatse que nous avons vu plusieurs fois venir s’asseoir sous la tente du capitaine Harris. Parmi les émigrans, il y avait eu deux morts et dix blessés ; c’était beaucoup pour une petite armée abandonnée à elle-même ; d’ailleurs, les troupeaux restaient au pouvoir de l’ennemi, et les Hollandais eurent beau le poursuivre vigoureusement dans sa retraite. : bœufs et moutons, tout fut perdu.

Une partie des Hollandais escorta alors les femmes et les enfans jusqu’à la mission de M. Archbell, à Tchaba-Uncha, où ils restèrent en sûreté ; les autres, munis de nouveaux attelages, revinrent camper sur les bords de la Modder, où ils furent rejoints par un fort détachement, dont le chef, Maritz, riche et ambitieux fermier de Graaf-Reinet, fut bientôt proclamé gouverneur-général de la colonie nomade. Il y avait alors, rassemblés autour de Tchaba-Uncha, gros village de Griquas-Barolongs, cent cinquante chariots gardés et habités par une population de huit cents ames.

Le capitaine Harris raconte, dans un style pittoresque, la revanche que prit Gert-Maritz sur les Matabilis : « À peine eut-il en main les rênes du gouvernement, que son premier soin fut de former un détachement assez considérable pour se venger de l’injure reçue…