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une calomnie. Il suffit d’ouvrir les yeux et de regarder autour de soi pour s’en convaincre ; c’est par des argumens pareils que l’on perd les meilleures causes. L’Université peut avoir d’importantes réformes à opérer dans son sein ; mais que tous ses vœux et tous ses efforts tendent à inspirer l’amour du beau et du bien, cela est plus clair que la lumière du jour. À cette audacieuse calomnie, il n’y a donc rien à opposer que le démenti le plus formel et le plus énergique.

Quant à la double accusation de ne pas enseigner la religion et de ne pas attaquer la religion, il est vrai, si ce sont là des fautes, l’Université en est coupable.

Les professeurs de philosophie de l’Université enseignent à leurs élèves, outre les méthodes logiques et l’histoire de la philosophie, la liberté, la spiritualité, l’immortalité de l’ame, la morale fondée sur le principe du devoir, et la providence de Dieu ; mais ils n’enseignent pas la divinité du christianisme. Ils démontrent que la raison humaine est une autorité légitime, inébranlable, que l’on ne peut contester sans se réduire au scepticisme absolu ; mais ils ne démontrent pas que la raison puisse résoudre tous les problèmes et sonder tous les mystères, ni que Dieu ne puisse pas, s’il le veut, prendre la parole au milieu de nous, et nous accorder une autre révélation que cette révélation intérieure qu’on appelle la lumière naturelle. Ils ont tort, si la philosophie et la religion ne sont qu’une seule chose ; mais ils ont raison, si la philosophie et la religion existent et doivent exister à part.

Nous disons à ceux qui veulent anéantir la philosophie au profit de la religion, que ce qu’ils demandent est impossible, qu’il y a dans la nature humaine un besoin de connaître que la religion n’assouvit pas ; que la religion donne le fait et non pas l’explication du fait ; qu’elle détruit l’inquiétude et laisse subsister la curiosité ; que l’homme enfin croit ce qu’il peut et non ce qu’il veut, et qu’il lui faut par conséquent des démonstrations et des preuves, c’est-à-dire des convictions raisonnées et philosophiques. Nous disons à ceux qui veulent anéantir la religion au profit de la philosophie, que la philosophie ne leur sait aucun gré de cette humeur belliqueuse, qu’elle n’a nul besoin de régner toute seule, et que, loin de redouter l’influence de la religion, elle la désire et la réclame. Que mettrez-vous à la place de la religion, quand il n’y en aura plus ? Monterez-vous une seconde fois sur la borne, pour prêcher au peuple vos doctrines humanitaires ? Convertirez-vous en philosophes des ouvriers qui ne savent pas lire ? Apprendrez-vous la métaphysique aux petits enfans ? Ou bien