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reux, disent-ils, il n’a pas de maître ! » En présence d’une sujétion aussi complètement acceptée, on voit sans surprise les maîtres armer eux-mêmes leurs esclaves, et s’en faire une garde contre les sauvages. Il y a loin, on le voit, de cette confiante sécurité aux terreurs continuelles que M. de Tocqueville nous montre comme assiégeant sans cesse les planteurs du sud.

III.

À côté de la race noire, esclave ici comme partout ailleurs, vivent le blanc et le Caraïbe, tous deux libres et se disputant la possession du sol. Les premiers viennent presque tous d’Angleterre directement ou indirectement. L’Espagne semble avoir pressenti de bonne heure que la Floride devait lui échapper. Son gouvernement n’a jamais favorisé le développement de cette colonie, et, de nos jours, la race des premiers conquérans n’est plus représentée dans ce pays que par un petit nombre de familles fixées à Saint-Augustin. Quelques Français, chassés de leur patrie par les tourmentes politiques, ont trouvé un asile sur ces plages lointaines. Parmi eux, nous citerons un des fils de Murat, qui, né sur les marches du trône de Naples, a su accepter avec une véritable philosophie la position de simple planteur, et a changé le titre de prince contre celui de général de milice. À ces rares exceptions près, la population blanche de ces contrées est toute d’origine britannique. Mais l’Anglais de la Floride ne ressemble guère à ses ancêtres de la Grande-Bretagne. L’influence du climat s’exerçant sur plusieurs générations successives a profondément modifié le type primitif ; en se rapprochant de l’équateur, la race anglaise a emprunté aux natures méridionales leurs traits les plus caractéristiques.

Le grand planteur floridien est vif, intelligent, généreux et hospitalier ; malheureusement, élevé dans l’oisiveté la plus complète, il mêle à ces qualités des vices qui le dégradent, et le jeu, l’ivrognerie, se partagent ses loisirs. Habitué à exercer un pouvoir absolu sur tout ce qui l’entoure, la moindre opposition le met en fureur. Pour lui comme pour le Corse et l’Italien, l’injure la plus légère demande du sang. La vengeance semble être le premier de ses besoins, et dans ce pays où les lois sont sans force, où chacun porte constamment des armes, peu de jours se passent sans amener des scènes sanglantes. L’assassinat, fréquent en Floride, n’est presque jamais poursuivi. Parfois