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LE MONDE GRÉCO-SLAVE.

dégager de l’influence du cabinet russe, qui appuyait le parti constitutionnel. Le seul homme que craignît Miloch dans le comité serbe de Stambol, Petronievitj, était gardé nuit et jour par ses deux collègues. Heureusement ce patriote avait l’affection de Mahmoud, qui voulut l’entretenir en secret. Petronievitj parle turc avec une grande élégance ; le sultan l’écouta long-temps, la vérité perça tout entière, et une nouvelle guerre civile fut épargnée à la Serbie. Jivanovitj, convaincu d’avoir distribué parmi les membres du divan cent mille ducats de la part de Miloch pour obtenir un oustav favorable, essaya en vain de plaider la cause de son maître. Dans cette lutte, où l’avenir de la Serbie était en jeu, Petronievitj fut décidément le vainqueur.

C’est sur ces entrefaites qu’à l’exemple du cabinet de Londres, le gouvernement français envoya un agent diplomatique en Serbie. M. Duclos, chargé de cette mission, reçut de l’amiral Roussin l’ordre de se déclarer pour Miloch, et de n’agir en tout que de concert avec le consul anglais. Lié ainsi par ses instructions, il se voyait dépouillé de toute influence avant même son arrivée en Serbie. Les commissaires serbes se préparant à quitter Constantinople, Petronievitj offrit à M. Duclos d’être son compagnon de voyage, et ils partirent ensemble pour Belgrad. La charte nouvelle les y avait précédés, avec le drapeau tricolore serbe, rouge, blanc et bleu. À la place du croissant, on avait brodé sur cet étendard national la couronne fermée et quatre étoiles. Obligé de se rendre à Belgrad pour y régler avec le consul russe et le visir ottoman le mode de publication de l’oustav, Miloch entra le 11 janvier 1839 dans cette ville toute remplie de ses ennemis, qui, rangés sur son passage, jouissaient de son humiliation et du silence réprobateur gardé par la foule. Quelques jours après, le dimanche de Saint-Théodore, patron des Obrenovitj, un feu d’artifice eut lieu sur la promenade du Kalemeïdan ; des réjouissances populaires célébraient l’abolition de la tyrannie. Miloch était fêté, mais à l’instar de ces taureaux antiques, auxquels on dorait les cornes, et que l’on parait de fleurs pour les mener à l’autel. On était à la veille de la skoupchtina que Miloch n’avait réunie que contraint par la nécessité. Le lendemain 10 février, dès l’aurore, les députés serbes traversaient en foule les rues de Belgrad. Le visir, à la tête des troupes ottomanes, sortit bientôt de la citadelle, apportant aux représentans de la Serbie la charte des deux tsars, décrétée vers le milieu de la lune de Chevala 1254 (décembre 1838). Miloch se prosterna devant le diplôme impérial, le baisa et le mit sur sa tête ; alors