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SITUATION INTELLECTUELLE DE L’ALLEMANGNE.

M. de Pulszky, l’idée de voir la Russie mettre à profit ce légitime mouvement ; comme les Slaves du monde grec, comme les Serbes et les Bulgares, qui s’attachent à l’empire turc et le défendraient contre la Russie sans sacrifier pour cela leur caractère original, les Slaves de Bohême resteront attachés politiquement à la patrie allemande, mais ils veulent retrouver en eux-mêmes cette vie de l’esprit que l’Autriche leur a refusée. « Il y a, s’écrie M. le comte de Thun, il y a un esprit ami qui flotte sur nos campagnes depuis les forêts de Bohême jusqu’aux monts tartares. Ah ! que de désirs sérieux il éveille dans nos ames ! à quelle activité il nous provoque ! comme il nous excite à l’étude de notre langue et de notre histoire nationales ! Laissez nos frères marcher paisiblement dans cette direction si inoffensive et si féconde, c’est tout ce qu’ils demandent de vous. Que de changemens se feraient en peu d’années ! Mais vous venez à la traverse avec vos passions grossières, et vous emprisonnez ce mouvement tout amical. Ceux qui ne demandaient que la paix pour faire porter au sol de la patrie les fruits les plus glorieux, vous les provoquez à une lutte barbare sur un champ de bataille désert. Slaves ! prenez garde de tomber dans le piége qu’on vous tend par ces provocations. Si vous êtes forcés de défendre vos biens les plus sacrés, que rien au monde ne puisse vous entraîner à franchir seulement de l’épaisseur d’un cheveu les limites d’une défense légitime, ou à considérer comme des ennemis tous ceux qui parlent la langue qu’on veut vous imposer. Évitez ces inutiles combats ; ils consumeraient vainement le meilleur de vos forces. Celui d’entre vous qui combattra victorieusement le parti insolent des Magyares rendra un service à ses frères ; mais ce service sera bien plus grand, si, par ses écrits ou ses paroles, il éveille le sens de son peuple et donne à son esprit une saine nourriture. À quoi servirait de défendre contre l’étranger un sol ingrat qui ne donnerait point de fruits ? Mais si vous fortifiez votre intelligence par une mâle culture, si vous avez à montrer des œuvres que l’humanité reconnaîtra, soyez sûrs que le nombre de ceux qui respecteront vos droits ira toujours croissant parmi vos compatriotes de Hongrie. »

Ce sont là de belles paroles. M. de Thun, je le répète, a montré dans ces débats une noble élévation de pensée, un immense amour de son peuple, un désir ardent de faire fructifier chez lui tant de semences qui lèvent déjà. Malheureusement les écrivains de la Bohême n’y apportent pas le même calme, la même gravité attentive et passionnée. Il y en a chez qui la rancune ne peut se contenir. Kollar