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FERNAND.

retire à la fois les bénéfices d’une confession et le charme d’une confidence.

Ce soir, que te dirai-je ? Je suis triste, et ne sais pourquoi. J’arrive de Mondeberre. En ouvrant la porte du parc, j’ai entrevu Mlle de Mondeberre suspendue au bras d’un étranger qui m’a paru jeune, élégant et beau. Tous deux suivaient l’allée des marronniers, et semblaient causer affectueusement. J’ai craint de troubler un si doux entretien ; n’aimant point d’ailleurs les visages nouveaux, j’ai refermé doucemenc la porte, et m’en suis revenu sans avoir été remarqué. J’étais parti joyeux et léger ; je suis revenu sombre et taciturne. Pourquoi ? Je l’ignore. En rentrant chez moi, j’ai grondé mes gens et rudoyé mes chiens. Te paraît-il convenable que Mlle de Mondeberre se promène ainsi, le soir, dans un parc, seule au bras d’un jeune homme ? En fin de compte, cela ne te regarde pas, ni moi non plus. Je dis seulement que c’est singulier. Depuis mon retour, Mlle de Mondeberre ne s’est pas une seule fois appuyée sur mon bras. Mais ce jeune homme est sans doute le fiancé d’Alice ? C’est tout simple : il faudra bien qu’un jour Alice se marie. Je viens d’y songer pour la première fois. Je suis triste, ami, jusqu’aux larmes. Qui m’aime ici ? Dans la solitude de mon cœur, j’en viens à regretter l’amour orageux d’Arabelle. Je m’écriais l’autre jour que la nature est bonne ; je me trompais, la nature n’est qu’indifférente : nous l’associons à toutes les dispositions de notre ame, mais elle ne se soucie ni de nos joies ni de nos douleurs. Je suis seul, j’appelle : pas une voix ne me répond. Pourtant, mon Dieu ! que cette nuit est belle ! Qu’il serait doux à la clarté de ces étoiles, au milieu de tous ces parfums et de tous ces murmures qui montent de la terre au ciel comme des flots d’encens et d’harmonie, qu’il serait doux de reposer son front sur un cœur adoré, et de mêler une hymne d’amour aux concerts de la création ! Peut-être qu’à l’heure où je t’écris, ces deux jeunes gens errent encore sous les ombrages tutélaires ; ils s’aiment, ils sont heureux.

LE MÊME AU MÊME.

Je ne suis pas retourné à Mondeberre. En ceci, je n’ai fait qu’obéir à un sentiment naturel de réserve et de discrétion. Je dois dire aussi que ce lieu a quelque peu perdu pour moi de son charme et de sa poésie. Pourquoi ? Je ne sais trop ; peut-être m’était-il doux de penser que j’étais seul admis dans l’intimité du sanctuaire. Toujours est-il