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de toutes ses charges et un modeste présent de deux cent mille écus. Luynes, de son côté, se prépare à saisir de son bras de fauconnier l’épée de connétable qu’avait portée Duguesclin. Dans ces loteries des guerres civiles, tous les joueurs gagnaient un lot. Richelieu y tira un quine, car il se fit assurer le chapeau de cardinal.

Le moment n’était pas encore venu d’entrer au conseil où siégeaient les hommes que la mort du maréchal d’Ancre y avait portés ; mais le cardinalat était à la fois et un bon moyen pour attendre et une force pour ne pas attendre long-temps. Richelieu conclut de plus le mariage de sa nièce chérie avec le marquis de Combalet, neveu du duc de Luynes, aux applaudissemens de la cour et de la reine-mère, qui paya la dot et vit une preuve nouvelle de dévouement dans l’alliance que son fidèle conseiller consentait, pour le seul intérêt de son auguste maîtresse, à conclure avec le favori du roi.

Malgré les stipulations d’Angers, d’assez longs retards furent opposés à la promotion de Richelieu, soit que ces délais provinssent de la chancellerie romaine elle-même, ou qu’il faille les attribuer aux démarches secrètes de ses ennemis, alarmés d’un tel accroissement de sa fortune. Ce ne fut qu’en 1622, après la mort du cardinal de Retz, que l’évêque de Luçon se vit promu au cardinalat. Pendant ce temps, les évènemens avaient marché, et une situation de plus en plus difficile allait bientôt lui préparer sa place dans les grandes affaires.

Le roi ayant voulu rétablir en Béarn le libre exercice de la religion catholique interdit dans cette province depuis un demi-siècle, les réformés avaient pris les armes et donné une preuve de plus de l’incompatibilité de cette organisation menaçante avec l’existence d’un gouvernement régulier. L’assemblée de La Rochelle, sommée de se séparer, avait répondu qu’elle n’en ferait rien, et que le roi ne pouvait avoir oublié que c’était aux religionnaires que son père devait le trône. Cette assemblée, à l’abri de ses formidables remparts, avait procédé à une division territoriale du royaume en dix-huit églises subdivisées en églises simples et en colloques, desquelles dépendait un certain nombre de localités. Dans chacune de ces circonscriptions, des chefs militaires et des magistrats civils étaient solennellement institués. Une législation générale avait été promulgée pour l’état de guerre aussi bien que pour l’état de paix. Le duc de Rohan et son frère de Soubise, investis du commandement général des forces huguenotes, se préparaient une situation analogue à celle que la maison d’Orange avait conquise dans les Provinces-Unies à la