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LE CARDINAL DE RICHELIEU.

faveur de la lutte contre l’Espagne ; « rien ne manquait enfin au dessein manifeste d’établissement d’une république dans ce royaume[1]. »

Louis XIII s’était mis en campagne. Il avait déployé, dans une guerre qui le conduisit deux fois au fond du Languedoc, une valeur personnelle incontestable, seule qualité qui puisse recommander la mémoire du triste monarque qui ne fit de grandes choses qu’en remettant à la discrétion d’un ministre souverain sa volonté ambulatoire et son esprit obsédé de mille fantômes. Après avoir déclaré par lettres patentes les habitans de La Rochelle criminels de lèse-majesté, le roi donna l’assaut à la ville de Saint-Jean-d’Angely pendant que le duc du Maine s’emparait de Nérac et de plusieurs places en Guyenne. Mais les rivalités princières poursuivaient Louis dans les camps comme dans son Louvre. Sa mère, qui suivait l’armée, était l’objet de ses inquiétudes incessantes, et la présomptueuse inexpérience du nouveau connétable pesait également sur les opérations militaires et sur les affaires civiles. Bientôt le siége de Montauban vint mettre un terme aux succès des armes royales. Toutes les forces de la monarchie échouèrent contre ce boulevard de la réforme, moins défendu peut-être par ses héroïques habitans que par les faiblesses de la cour et le découragement de l’armée. Le duc du Maine, noble héritier d’une maison catholique et militaire, était mort au pied de ses remparts, et la plus brave noblesse du royaume ne se voyait pas sans indignation soumise aux ordres d’un chef qui avait appris la guerre dans les forêts de Fontainebleau : favori insatiable, dont l’impopularité réhabilitait le Florentin, et qui, cumulant la dignité de garde-des-sceaux avec celle de connétable, méritait ce jugement de ses contemporains, qu’il était aussi propre à faire un magistrat en temps de guerre qu’un général en temps de paix.

Luynes éprouva pourtant une douleur qui l’honore. Contraint de lever le siége de Montauban, repoussé devant Monheur, une chétive place du Languedoc, menacé dans sa faveur par la froideur croissante du roi et l’irritation croissante aussi de l’opinion, il ne se sentit pas la force de braver des mépris trop justifiés. Sa santé altérée le conduisit au tombeau ; il mourut, livrant le roi à lui-même et à l’incertitude de ses pensées. Qui hériterait de la faveur et de la confiance du prince ? Telle était la seule question que le tempérament du monarque permît alors de poser. Le moment était venu où la Providence allait la résoudre directement par la main de l’homme que

  1. Mémoires de Richelieu, liv. XII.