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nous verrons bien : la première scène de ce poème, écrit tantôt en dialogue, tantôt dans la forme du récit, nous montre Faust errant sur une haute montagne ; il veut découvrir le secret de la création : il interroge la vie partout où elle est dans la nature, il la cherche dans la pierre, dans la plante, dans l’insecte ; mais le poète lui crie de ne pas s’acharner à cette poursuite insensée :

« Que veux-tu, Faust, sur les cimes de ces monts ? Espères-tu échapper aux nuages et aux doutes ? Le nuage de l’abîme s’attachera à tes pas, et là aussi le doute viendra heurter ton front. Laisse-toi charmer par le pur éclat du soleil, par cette plante silencieuse qui est sa fille, par l’alouette des Alpes qui s’élève, solitaire, dans les airs, par ces sommets de neige dont les pointes percent les cieux. Permets aux souffles de la montagne de pénétrer ton cœur : ils dissiperont ton illégitime tristesse ; mais, ne laisse point brûler dans ton ame ce désir enflammé d’arracher son secret à la création. »

Faust continue ses recherches, et tout à coup le son des cloches s’élève du fond de la vallée. Il se rappelle alors les jours de son enfance, la foi pure et paisible de ses jeunes années ; il la compare à son agitation présente, et, ce contraste le poussant au désespoir, il va se jeter dans un gouffre de la montagne, quand une main vigoureuse le retient. C’est un chasseur noir qui lui a sauvé la vie et qui disparaît à l’angle des rochers. — Rappelez-vous Manfred sur la Jungfrau, rappelez-vous le chasseur de chamois qui l’empêche de se précipiter dans l’abîme ; rappelez-vous aussi le Faust de Goethe, le vrai Faust, dans son laboratoire, écoutant les cloches de Pâques et le chant matinal des anges. Y a-t-il un nom particulier en Allemagne pour désigner de tels emprunts ? Poursuivons toujours ; peut-être trouverons-nous quelque chose qui appartienne à M. Lenau. Voici Faust et Wagner, à l’amphithéâtre d’anatomie, occupés tous deux à disséquer un cadavre. Faust est comme toujours impatient, inquiet, mécontent de lui-même et de la science ; Wagner, insouciant dans sa médiocrité vulgaire, est très heureux du peu qu’il lui est donné de savoir. Tout le monde a admiré cette scène dans l’œuvre de Goethe. La scène suivante nous transporte dans une forêt où Faust recommence ces éternelles questions : Qu’est-ce que la vie ? qu’est-ce que la mort ? Arbres vivaces qui tenez si solidement au cœur de cette terre féconde où résident tous ces secrets sans nombre, pourquoi ne nous apprenez-vous rien de ces mystères ? Survient Méphistophélès, et le contrat s’engage. Nous allons voir maintenant la caverne d’Auerbach, où Goethe a conduit Faust tout dégoûté de la