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FERNAND.

meurtre et celle du suicide. Enfin son cheval s’arrêta tout fumant devant la grille du jardin.

Fernand mit pied à terre, et, avec cette résolution brutale que donne le désespoir, il entra d’un pas ferme dans sa maison. Il la trouva déserte ; rien n’y révélait la présence ni même l’arrivée récente d’aucun hôte. Il appela ; pas une voix ne répondit. Ses gens, qui ne l’attendaient que le soir, étaient absens ; le serviteur qui lui avait porté la fatale nouvelle n’était point encore de retour. Un rayon d’espérance éclaircit son front et traversa son cœur. Cette lettre qui venait de le ramener comme la foudre, il se rappela tout à coup qu’il ne l’avait même pas ouverte, et qu’il n’en connaissait que la suscription. N’avait-il pas été trop prompt à s’effrayer ? Ses yeux ne l’avaient-ils point abusé ? Prêt à sourire encore une fois de sa terreur et de sa faiblesse, il prit cette lettre dans la poche de son habit ; mais comme, après avoir examiné de nouveau avec une attention sérieuse les caractères de l’adresse, il se préparait à l’ouvrir, il entendit le frôlement d’une robe dans l’escalier qui montait à sa chambre, et presque au même instant il se sentit enlacé par les bras d’une femme qui le couvrait de pleurs et de baisers, en s’écriant d’une voix éperdue : — Fernand ! mon Fernand ! c’est donc vous qu’enfin je revois ! Hélas ! j’ai bien pleuré, j’ai bien souffert… Tous les spectres hideux, tous les pâles fantômes que l’absence traîne avec elle, je les ai tous vus, dans mes nuits sans sommeil, s’abattre à mon chevet. Cruel, pourquoi ne venais-tu pas ? et que tes lettres étaient froides ! J’ai cru que tu ne m’aimais plus, ingrat, et j’ai souhaité mourir… Tu souffrais aussi, mon Fernand ; ton cœur s’indignait de la ruse, et ton amour de la contrainte. C’était là le secret, n’est-ce pas, de tes sombres emportemens et de ton humeur irascible ? Je t’ai compris enfin ! Mais toi, comment ne comprenais-tu pas que, sur un mot, sur un geste de toi, j’aurais tout quitté pour te suivre ? Tu le savais, ton ame généreuse a voulu me laisser toute la gloire du sacrifice. Eh bien ! je suis venue, me voici ! me voici désormais tout entière à toi seul. Parle-moi ; pourquoi me regarder ainsi ? C’est la surprise, c’est la joie ; moi-même, je ne me connais plus ; je ris, je pleure, je suis folle !

Ainsi parlant, riant en effet et pleurant à la fois, elle baisait les mains de Fernand et se suspendait, comme une liane, au col du jeune homme, tandis que celui-ci, debout et immobile, blanc et froid comme un bloc de marbre, la regardait d’un air stupide et paraissait ne rien comprendre aux paroles qu’il entendait. Elle l’entraîna