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Relativement aux charges acquises à prix débattu, Richelieu incline à en diminuer graduellement le nombre au moyen d’un remboursement au taux de l’acquisition. Il accepte du reste comme son siècle tout entier, mais sans la canoniser, ainsi qu’on l’a prétendu, la vénalité des offices, qui était devenue pour cette époque une impérieuse nécessité de gouvernement, et l’une des bases de l’organisation sociale même. En cela, le ministre va moins loin que Montesquieu, puisqu’il se borne à s’appuyer sur un fait alors incontesté, sans l’élever avec lui jusqu’à la hauteur d’une théorie fondamentale du gouvernement monarchique. C’est pourtant l’acceptation pure et simple de l’intérêt le plus universel et le plus puissant du temps qui semble avoir conduit certains esprits absolus du XVIIIe siècle à contester l’authenticité du Testament politique. C’est à cause du chapitre sur la vénalité des charges que le marquis d’Argenson, ce précurseur de la constituante, cet esprit dogmatique né cinquante ans trop tôt, n’hésite pas à attribuer cet ouvrage, indigne du grand génie dont il porte le nom, à quelque pédant ecclésiastique[1] ; c’est pour cela qu’en fait d’œuvres dignes de mémoire, l’auteur du Siècle de Louis XIV invite charitablement Richelieu à s’en tenir à la digue de la Rochelle !

D’innombrables témoignages attestent la sollicitude du ministre pour les grands intérêts de la navigation et de l’industrie. La colonisation du Canada fut reprise avec ardeur, la compagnie de Saint-Domingue fut fondée, et de grandes expéditions aux Indes reçurent de la couronne de puissans encouragemens. Pendant que des consulats s’établissaient dans toutes les échelles du Levant, et que Deshayes partait pour la Moscovie afin de nouer des relations commerciales avec le czar, le chevalier de Rasilly préparait, par une expédition sur les côtes du Maroc, la négociation de traités avantageux avec toutes les puissances barbaresques[2]. Des dispositions étaient prises pour féconder la pensée de Sully et creuser le canal de Briare. Des compagnies se formaient pour le dessèchement des marais, le défrichement des landes, l’endiguement des rivières ; tout annonçait enfin l’importance croissante acquise par la bourgeoisie et les efforts multipliés du ministre pour contrebalancer par l’in-

  1. Considérations sur le gouvernement de la France, chap. V, art. 7.
  2. On trouve sur ce point de curieux détails dans un travail récemment publié par M. Thomassy : Des Relations politiques et commerciales de la France avec le Maroc, 1 vol. in-8o ; Arthus Bertrand, 1842.