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LE CARDINAL DE RICHELIEU.

fluence des capitaux la puissance territoriale à laquelle il s’efforçait d’arracher le pouvoir politique.

Sous l’empire de la même pensée, des changemens plus décisifs étaient essayés ou préparés dans l’administration intérieure du royaume. Dans toutes les localités, on constituait une puissance administrative permanente en rapport direct avec le pouvoir ministériel, en opposition avec les gouverneurs et les grandes cours judiciaires. La création des intendans, contre lesquels s’éleva si vivement le parlement de Paris au début de la réaction aristocratique de la fronde, fut le premier pas dans la voie nouvelle où les évènemens précipitaient la France.

Dans l’assemblée des notables réunis à Paris en 1627, le ministre fit approuver une autre mesure qui ne tendait pas moins directement au but qu’il avait toujours devant les yeux. Il parvint à faire demander par les notables la démolition des places fortes qui ne seraient pas reconnues nécessaires à la défense du royaume contre l’ennemi extérieur. Cette demande, à laquelle il eut soin de rester étranger, s’appuyait sur la nécessité de dégager la couronne des charges immenses qu’un inutile entretien imposait aux finances du roi. Les grands seigneurs, et à leur tête le duc de Guise, gouverneur de Provence, poussèrent d’étranges clameurs en entendant cette proposition mal sonnante ; mais la plupart des parlementaires insistèrent avec vivacité, et les mesures étaient si bien prises, qu’en accueillant ce vœu le roi parut céder aux désirs unanimes de ses peuples[1].

Une tactique aussi habile, mais assurément moins morale, inspira une autre proposition solennellement adressée par Richelieu à la même assemblée, et chaleureusement repoussée par elle. Dans un mémoire en treize articles, le cardinal proposait de modérer les peines portées par les vieilles lois de la monarchie contre les criminels d’état, et de les réduire à la seule privation des charges et des emplois après une seconde désobéissance. Il y a quelque chose de triste et d’immoral dans le calcul qui inspirait une telle démarche. En trouvant un pareil fait dans l’histoire du terrible cardinal, la pensée se reporte involontairement sur l’homme de sanglante mémoire qui débutait à l’assemblée constituante en proposant l’abolition de la peine de mort.

Au moment où Richelieu jouait en face de la nation cette parade

  1. Journal de Bassompierre, t. II. — Levassor, t. V, liv. XXIV.