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LE CARDINAL DE RICHELIEU.

sur l’Europe soumise alors à l’expérimentation de la politique vigoureuse qui lui avait si bien réussi à l’intérieur du royaume. De nouveaux débats avec Monsieur toujours suivis de conciliations à prix d’argent et du désaveu de ses complices, des négociations peu sérieuses avec la reine exilée pour préparer un retour que le cardinal est bien résolu à refuser, des intrigues de femmes et de mignons qui troublent la sécurité du puissant ministre sans le détourner jamais de ses desseins, de grands évènemens traversés par des misères, remplissent cette vie qui se confond désormais avec la vie même de son siècle.

La conspiration d’un favori comblé des bienfaits du prince et du ministre ne fut qu’un accident sans importance aux derniers jours de cette existence agitée. Un fat enivré de sa fortune, un homme de plaisirs, insolent envers son roi autant qu’ingrat envers son bienfaiteur, n’était pas de taille à reprendre avec succès des tentatives qui avaient échoué dans des conditions bien autrement redoutables. La conjuration de Cinq-Mars, étourdi sans tête et sans cœur, vendant son pays à l’Espagne et rouvrant à Gaston la voie de trahison où ce prince avait marché toute sa vie, fut un exemple de fascination et d’outrecuidance plutôt qu’un péril sérieux pour le royaume. Aussi, lors même que le favori était maître de l’oreille royale, Richelieu n’éprouva-t-il jamais le besoin de préparer des armes contre lui, bien assuré que la légèreté du grand-écuyer lui en fournirait de surabondantes. Le drame sanglant de la place des Terreaux n’était point nécessaire pour faire triompher un système moins menacé à cette époque par la force de ses ennemis que par l’obscurité de leurs intrigues. Plusieurs années avant la tentative du jeune d’Effiat, Richelieu assistait au triomphe et au développement de sa pensée. L’unité monarchique était fondée, le droit commun pesait sur les plus hautes têtes, et des pouvoirs incertains de leurs attributions, plus incertains encore dans leurs principes, s’étaient tous effacés devant l’éclat du trône. Les idées et les lettres se modelaient sur le type éclatant conçu par le ministre et qu’allait réaliser bientôt le fils de Louis XIII.

La fécondité inespérée de la reine parut associer la Providence elle-même à l’œuvre poursuivie à travers tant d’obstacles et assise au prix de tant de sang. C’est un curieux morceau que celui qui termine par le compte rendu de l’année 1638 les importans Mémoires dont nous avons essayé de faire connaître la substance. On dirait un ardent cantique d’actions de grace élancé vers le ciel, un Te Deum so-