Page:Revue des Deux Mondes - 1843 - tome 4.djvu/570

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
564
REVUE DES DEUX MONDES.

lennel entonné par le ministre d’une grande monarchie, au moment où Dieu donne au royaume un gage visible de sa protection, et où le souverain dépose sa couronne aux pieds de la Vierge protectrice de la France. C’est donc de ce sommet suprême de sa grandeur et de sa fortune que nous pouvons embrasser la combinaison de Richelieu, et apprécier la pensée politique destinée à combler le vide immense laissé dans les sociétés humaines par la chute de la hiérarchie féodale et la crise du XVIe siècle.

Les germes de mort que la monarchie absolue recelait dans son sein n’échappent aujourd’hui aux regards de personne, et par de là les éclatans succès du règne dont on voit poindre l’aurore, il est facile de pressentir la décadence d’une forme sans garantie et d’une pensée sans avenir. Si le règne de Louis XIV est le fruit du règne de Richelieu, si le grand roi est l’œuvre et comme la créature même du grand ministre, n’est-il pas également certain que Louis XIV prépara par l’extension du pouvoir royal la tempête qui faillit emporter toutes les monarchies ? Quelle garantie restait à la royauté contre ses propres entraînemens, quelle force trouvait-elle dans ses épreuves, quelles racines pouvait-elle pousser désormais dans le cœur et dans les intérêts des peuples ? En écrasant la réforme, Richelieu avait respecté la liberté de conscience, mais celle-ci ne serait-elle pas menacée lorsqu’une inspiration moins politique que celle du cardinal viendrait à prévaloir dans les conseils de la couronne ? En portant la guerre dans toute l’Europe, et en subventionnant presque tous les princes du continent, Richelieu avait su fonder et maintenir le crédit public ; mais quelle garantie lui serait donnée, et quelle puissance pourrait le protéger contre les audacieuses spéculations d’un Law ou les mesures spoliatrices d’un Terray ? Dans ses transactions diplomatiques, Richelieu s’était, pendant près de vingt ans, inspiré d’une même pensée ; mais quel cabinet saurait garder ces hautes et fermes traditions dans une cour où le bon plaisir faisait seul les ministres ? Quel pouvoir serait assez fort pour empêcher Dubois de vendre son pays à l’Angleterre, et les maîtresses d’un roi dissolu de décider souverainement de la guerre et de la paix ? Les parlemens avaient perdu une partie de leur indépendance ; les libertés municipales et celles des provinces avaient disparu avec les remparts des villes et les donjons seigneuriaux. Les classes bourgeoises, pour puiser de la force contre l’aristocratie de cour, tendaient à se confondre avec la démocratie elle-même, tandis que la noblesse abattait ses futaies et laissait tomber ses châteaux pour