Page:Revue des Deux Mondes - 1843 - tome 4.djvu/599

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
593
LA MARINE DES ARABES ET DES HINDOUS.

navigateurs expérimentés allèrent droit au fond du golfe sans visiter les ports intermédiaires, les points compris entre Ceylan et le lieu de leur destination. Donc aussi, puisque les habitans du Malabar sont supérieurs à ceux de Coromandel dans l’art nautique, peu en harmonie avec le caractère d’un peuple assez indiffèrent à ce qui se passait chez ses voisins, ils ont reçu des Arabes leurs premières leçons. Ceux-ci d’ailleurs, avant de s’aventurer sur le grand Océan, s’essayèrent longuement dans leurs golfes. N’avaient-ils pas pour guides les Phéniciens, les premiers matelots dont il soit fait mention dans l’histoire ? Les Hindous de la presqu’île, arrivant dans des régions avant eux incultes, peuplées çà et là de hordes sauvages dispersées au sein des forêts, trouvèrent où s’établir et n’éprouvèrent pas le besoin de pousser au-delà. Les Arabes, au contraire, assis au bord de leurs trois mers, habitués à voguer d’un port à l’autre, furent pris de l’inquiet désir de diriger et d’étendre d’un autre côté, au moyen de leurs barques, le commerce qu’ils faisaient avec leurs chameaux à des distances déjà si considérables. Ils n’allèrent point à la découverte ; mais de proche en proche, gagnant des rivages lointains, ils atteignirent le point désiré, différant en cela des navigateurs européens, qui, appuyés par la science, plus précise que l’instinct, s’élancèrent droit où les appelaient un continent nouveau, une île inexplorée.


Th. Pavie.