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trouvé enfin, mais il n’y a pas lieu de l’en féliciter. Dans les entretiens que lui ont accordés plusieurs des hommes les plus distingués des lettres et de la politique, j’entrevois, à cause même du récit médisant de l’auteur, plus d’une fine réponse où il a compris à demi qu’on le raillait. Il est retourné dans son pays en sonnant ses fanfares, en jugeant la France sans appel. N’y aurait-il pas une scène à ajouter à M. de Pourceaugnac ? On y verrait le hobereau de province, le journaliste allemand, moqué, raillé, baffoué, autant qu’on peut l’être, revenant à Limoges, non, à Mannheim et racontant en style de marquis comment il a fait la leçon à Éraste.

M. Laube aussi est venu à Paris. Il n’y cherchait pas, comme M. Gutzkow, un théâtre pour son activité politique, il n’espérait pas, il ne voulait pas juger en quelques mots la situation européenne, il ne voulait pas prononcer des oracles. Si M. Gutzkow a succombé sous des prétentions trop ambitieuses, s’il a détourné à son profit et compromis pour longtemps quelques-unes des espérances de l’école nouvelle, s’il a substitué sa vanité et sa personne à des intérêts généraux, ce n’est pas M. Laube qui fera ce tort à sa cause. Parmi tous les écrivains de la jeune Allemagne, il n’y en a pas un qui ait moins d’ambition véritable. M. Henri Laube n’abuse ni de la poésie ni de la politique. Que veut-il ? que désire-t-il ? quelle est la pensée qui conduit sa plume ? comment fait-il partie de cette petite phalange d’écrivains qu’on a appelée la jeune Allemagne, et qui voulaient exercer une influence sérieuse sur le pays ? On serait fort embarrassé de répondre à ces questions, si l’on ne se rappelait l’importance singulière que M. Wienbarg attachait à la forme nouvelle de style, à cette forme piquante, légère, capricieuse, empruntée par M. Boerne à Jean-Paul, et que M. Henri Heine avait aiguisée encore avec tant de verve et de gaieté. C’est là tout ce que veut M. Laube, c’est là tout ce qu’il croit : il n’a pas d’autre foi, pas d’autre programme politique. Ainsi armé, ainsi pourvu d’idées et de convictions, il s’est mis en campagne. Il a commencé par raconter des bergeries du temps de Louis XV avec beaucoup de grace, — pourquoi ne pas le reconnaître ? — avec beaucoup de légèreté et de fantaisie, comme on dit aujourd’hui. C’est le livre qu’il a intitulé Lettres d’amour. Princesses et marquis, vicomtes et duchesses, se sont donné rendez-vous dans son récit, et la conversation est la plus spirituelle, la plus brillante, la plus galante du monde. Vous me demanderez pourquoi ces innocentes bergeries font partie de la littérature politique, et quel rapport il y a entre l’élégant conteur et les tribuns de la jeune Allemagne ? Je l’ignore absolument, et il m’est impossible de comprendre