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constituant réservé à la royauté qui a fait périr les Stuarts comme les Bourbons : voilà la ressemblance. La différence sérieuse, je ne la vois pas, monsieur, dans la diversité des motifs qui portèrent Jacques II et Charles X à l’abus de leurs prérogatives : qu’importe que dans deux sociétés différentes, à cette distance entre les deux époques, les motifs n’aient pas été identiques ? La dissemblance sérieuse, je ne la vois pas davantage dans les forces sociales qui ont fait les deux révolutions : qu’importe qu’ici la nation ait été organisée démocratiquement, là aristocratiquement, puisque des deux côtés il y a eu également conflit entre les intérêts et les vœux nationaux et l’arbitraire royal ! La véritable différence est dans le caractère de la victoire des deux révolutions ; la différence, c’est que tandis que la révolution de juillet a forcé le parti légitimiste à renier ses anciens principes, tandis qu’elle a mis à nu la faiblesse radicale en montrant qu’il ne représente dans le pays aucun intérêt permanent, tandis, en un mot, que la révolution de juillet a réellement anéanti le parti légitimiste au-delà de la génération qu’elle a déplacée des affaires, en Angleterre, au contraire, la révolution de 1688 ne put de long-temps enlever au parti jacobite le prestige de ses principes : elle le laissa appuyé sur de puissans intérêts intimement unis à la constitution de la société anglaise, et ne put empêcher que des hommes qui réunissaient la triple influence de la richesse, de la naissance et du talent, ne le favorisassent secrètement ou ne se missent ouvertement à sa tête. Ainsi l’œuvre de la révolution de juillet a été plus puissante et plus prompte que celle de la révolution de 1688, et voilà en quoi ces deux grands évènemens diffèrent. Je souhaite que cette différence réjouisse les légitimistes ; pour moi, pour tous ceux qui désirent voir se consolider le moins laborieusement possible, dans l’accord de la royauté consentie et du système représentatif, cette sage et féconde liberté que la France poursuit depuis un demi-siècle, ce n’est pas sans une satisfaction mêlée d’orgueil que je peux distinguer par ce contraste la révolution française de la révolution anglaise.

Les légitimistes attendent et souhaitent les crises, parce que les partis à qui tous les moyens de succès sont fermés, et qui ne sauraient réussir que par l’improbable, sont avides des évènemens qui leur semblent devoir ouvrir des situations imprévues. Les légitimistes forment donc de grandes espérances, et ils ne le dissimulent pas, sur un évènement qui sera sans doute une grande épreuve pour la France, sur un évènement que nos vœux voudraient reculer le plus loin possible, mais qui, en aucun cas, ne sera la catastrophe qu’ils appellent.