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REVUE. — CHRONIQUE.

ou tard elle se mêlera à la question chrétienne dans les affaires déjà si compliquées de l’Orient. Dans cet état de choses, le moment serait-il bien choisi pour renoncer à l’amendement concernant la Pologne ? Nous sommes loin de le penser, et nous espérons que les chambres renouvelleront cette année encore l’expression d’un vœu si légitime et si conforme aux sentimens et aux sympathies du pays.

La nomination de M. Vivien au conseil d’état honore également M. Vivien et le cabinet : le cabinet qui, devant une capacité hautement reconnue, a su imposer silence à ses sympathies politiques ; M. Vivien, qui a mérité et franchement accepté une marque d’estime qui lui était si loyalement et si noblement offerte.

Les affaires d’Espagne en sont encore au même point. Les modérés essaient de gouverner, et paraissent jusqu’ici trouver appui dans les cortès et dans le pays. Les extravagances de M. Olozaga ont désorganisé le parti progressiste ; il se passera peut-être quelque temps avant qu’il se trouve en état de livrer de grandes batailles parlementaires, et d’aspirer au pouvoir, à moins toutefois que le parti modéré ne s’enivre de ses succès, et ne provoque des réactions par ses emportemens. Les violences exercées dans les bureaux de l’Eco del Comercio sont un fait déplorable et un exemple fâcheux. Les conservateurs doivent surtout se distinguer par les soins qu’ils donnent au maintien de l’ordre ; sous peine de se confondre avec les anarchistes, et de perdre toute autorité morale, ils doivent sévir contre les perturbateurs, quels qu’ils soient, et quelles que soient les victimes de leurs excès.

Dans le sein des cortès, les progressistes se battent en guerillas. Ils font la petite guerre, la guerre de chicane avec acharnement et habileté. On dirait qu’ils veulent arrêter la marche du gouvernement à force d’escarmouches et de diversions. Les ministres s’irritent de cette tactique ; ils ont tort. Les irriter et leur faire commettre toutes les fautes qu’inspire la colère, c’est précisément le but de leurs adversaires. Les partis vaincus fondent leurs espérances sur les fautes du vainqueur. Le sang-froid, la fermeté et la modération peuvent seuls déjouer ces manœuvres ; mais est-il donné à un Espagnol provoqué, harcelé, de se contenir et de se vaincre en paraissant presque se résigner aux provocations de son ennemi ?

Le ministère espagnol espère obtenir des cortès deux lois capitales, la loi municipale et la loi sur la garde nationale. Il est vrai que ce sont là deux lois sans lesquelles tout gouvernement est impossible en Espagne. Il est impossible, en effet, de gouverner avec de l’anarchie partout et de la force nulle part. Avec ces deux lois, et grace aux manifestations des provinces en faveur du parti modéré, on pourrait, en cas de besoin, affronter, sans tout compromettre, les chances d’une élection générale.

M. Olozaga a disparu. Dès-lors rien n’empêche de laisser l’accusation en suspens. Le drame peut se passer d’une péripétie plus imposante.

C’est le 15 janvier, dit-on, que le procès d’O’Connell sera repris à Dublin