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des expéditions ne font connaître que le poids de la marchandise qui passe la frontière ; mais comme la contrefaçon belge, par suite de la nature même de ses opérations, est exposée à de fréquens retours, il est à présumer qu’elle déclare tous ses envois afin de pouvoir faire constater à leur rentrée la provenance primitive de ceux qui n’ont pu trouver de placement Ce n’est donc que sur la valeur assignée à la marchandise exportée que le doute pourrait s’établir. La douane belge suppose que chaque kilogramme de livres en feuilles ou brochés vaut 6 fr., et elle augmente cette valeur de 1 fr. quand ils sont cartonné ou reliés. Malgré la réduction considérable qui est survenue dans le prix des livres de fabrique belge, nous croyons que ce taux n’est pas trop élevé. La preuve que les chiffres fournis par la douane belge approchent de la vérité, c’est que l’exportation de chacune des trois sociétés de contrefaçon qui exploitent le marché extérieur ne dépasse guère la somme de 300,000 fr. Ainsi, en 1831, la Société typographique déclarait à l’assemblée générale de ses actionnaires avoir exporté pour 396,000 fr. en quinze mois ; la Société d’imprimerie et de fonderie avait la même année envoyé à l’étranger pour 275,000 fr. de marchandises. La valeur totale des exportations de la contrefaçon se tient donc plutôt en-deçà qu’au-delà du million qu’elle atteint pour la première fois en 1838, d’après les états de la douane. On voit, si l’on ne consulte que la colonne qui indique le poids, que le commerce extérieur a subi d’assez notables fluctuations depuis 1836. Quoiqu’en définitive le nombre des kilogrammes de livres exportés ait augmenté, la valeur des expéditions a dû rester la même par suite du rabais successif des prix. Pour le marché étranger comme pour le débouché de l’intérieur, la situation de la librairie belge empire donc chaque jour ; l’importance réelle de ses bénéfices est en raison inverse de la fabrication, qui va sans cesse en augmentant. Allons au-devant d’une observation qu’on ne manquerait pas de nous faire au sujet du million qui représente, selon nous, la somme de ses affaires avec l’étranger. On dira que ce million prend la place d’une valeur triple, quadruple même en produits de la librairie française. Cela n’est pas tout-à-fait exact ; en d’autres termes, celle-ci n’est point frustrée par le fait d’un débouché de trois à quatre millions. En effet, le franc qui est dans la poche du consommateur, et qui en sort pour être appliqué à une destination particulière, n’est jamais qu’un franc et se prête peu aux fictions de la théorie commerciale qui le voit en double ou en triple quand elle a doublé ou triplé le prix de l’objet. C’est une vérité vulgaire qu’en industrie il ne faudrait jamais perdre de vue. Le million du marché extérieur de la contrefaçon belge ne fait qu’un million en espèces, quelque valeur qu’on lui donne en livres français[1]. Le tort que cause la contrefaçon à notre librairie n’en est pas moins considérable.

  1. Ce qu’il y a de curieux, c’est que la Belgique paie à l’étranger, et particulièrement à la France, le million que lui rapporte le commerce extérieur de la