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DU MOUVEMENT CATHOLIQUE.

qu’à nouvel ordre l’état est dans la même situation d’athéisme légal que l’Université. Quel que soit du reste le plus ou moins de valeur des argumens qui ont été jetés jusqu’à ce jour dans la polémique, on a parlé au nom de la liberté, au nom de la conscience ; on s’est ému dans les populations religieuses. D’autre part, une certaine portion du clergé, en se mettant de plus en plus en dehors des lois qui régissent l’instruction publique, en s’immisçant de jour en jour davantage dans l’enseignement, et avec des sentimens trop souvent hostiles à l’esprit des âges modernes, ne tend à rien moins qu’à créer dans l’état deux générations distinctes. Il importe donc que la question de l’instruction secondaire soit vidée ailleurs que dans les journaux. C’est enfin par une loi, c’est devant les chambres, que le débat va se terminer. Quand la législature du pays aura parlé, quand les droits de tous seront fixés, les scandales cesseront, nous aimons à le croire, et l’Université elle-même, qui, certes, est loin d’être infaillible, acceptera des réformes reconnues nécessaires par les hommes sages de tous les partis.

VI. — les poètes, les romanciers.

Tandis que les écrivains sérieux, ou du moins ceux qui s’annoncent comme tels, combattaient avec les armes pesantes de l’érudition, de la science et de la philosophie, la phalange légère des poètes et des romanciers engageait l’action sur un autre terrain, et la fantaisie littéraire se donnait à elle-même l’investiture de l’apostolat.

Nous ne remonterons pas bien haut pour assister aux premières hostilités. Avant 1830, notre littérature ne puise pas encore dans la religion l’inquiétude et la colère. Si le christianisme dicte à M. de Châteaubriand des pages éloquentes, à M. de Lamartine des chants mélodieux, on ne saurait confondre ces nobles inspirations avec les rêveries du néo-catholicisme. Tout en restant croyante, la Muse ne se met point alors en lutte avec le présent, elle ne quitte point les paisibles régions de l’art pour la bruyante arène de la controverse et du pamphlet. Aussi plus d’une jeune imagination se laisse-elle séduire, et M. Victor Hugo lui-même prélude, en célébrant le trône et l’autel, à la sensuelle fantaisie des Orientales. Ce n’est pas à cette époque, on le voit, qu’il faut chercher les origines de la littérature néo-catholique, et, bien loin de continuer ce mouvement pacifique, il a fallu s’en écarter violemment pour introduire dans notre poésie la triste prétention du prosélytisme et de l’intolérance.

Toutes les tendances qui sommeillaient sous la restauration se réveillèrent plus vives après 1830. Les jours de surexcitation intellectuelle qui virent naître tant d’utopies virent aussi les débuts littéraires du néo-catholicisme. Il y eut alors chez quelques écrivains le vertige de la foi, comme il y avait chez d’autres le vertige de l’indépendance ; on passa de l’ode au cantique, et du roman au sermon. La poésie néo-chrétienne rallia bientôt de fervens