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ture. Ainsi, légitimiste à l’origine, dynastique au moment où il hérita. Une partie de la rédaction et des abonnés du Journal Général de France, l’Univers, par une conversion nouvelle, redevint quasi-légitimiste en se fondant avec l’Union catholique. Les variations politiques de ce journal ne sont pas de nature à nous rassurer sur la fixité de ses doctrines religieuses. À défaut de suite et de logique, nous y chercherions en vain, nous ne dirons pas la charité, mais les simples convenances qu’on est toujours en droit de demander à la polémique. C’est dans ses colonnes que guerroient, comme rédacteurs habituels ou comme correspondans officieux les écrivains qui combattent à l’extrême avant-garde de la réaction catholique ; on dirait une espèce de synode où les trois ordres sont représentés : le clergé par MM. de Chartres, de Châlons et M. l’archevêque in partibus de Chalcédoine ; la noblesse par MM. de Montalembert, de Riancey[1], M. de Bonald ; la haute et moyenne bourgeoisie littéraire, par MM. Guiraud, Avond, Veuillot, etc. M. Veuillot, que nous connaissons déjà comme touriste et comme romancier, reparaît ici comme critique littéraire, comme polémiste politique et religieux, car la polémique, lui-même nous l’apprend dans ses confessions, a fait le charme de ses belles années, lorsqu’il combattait pour la charte dans la presse ministérielle de la province, et plus tard dans la presse ministérielle de Paris. Ce qui manque surtout à l’Univers, c’est une direction forte et élevée, c’est le calme et la bonne foi ; l’esprit d’invective compromet sans cesse ce qu’il peut y avoir de juste dans la thèse qu’il soutient ; il combat pour la domination du clergé, mais sans avouer hautement son but : de là des réticences et des contradictions perpétuelles, l’affirmation, et quelle affirmation ! à la place de la discussion, les déclamations fougueuses à la place des doctrines.

En philosophie, veut-on savoir ce que pense l’Univers ? Il ne pense pas, et cependant il est souvent question de philosophie dans ses colonnes ; mais deux mots seulement, le panthéisme et le rationalisme, font tous les frais de sa science. Tout philosophe qui n’exagère pas de Maistre ou de Bonald est panthéiste ou rationaliste, par conséquent damné, et responsable des crimes qui se jugent en cour d’assises. Or, s’il est vrai, comme le prétend l’Univers, qu’il y ait de nos jours un antagonisme ardent entre la religion et la philosophie, entre la raison et la foi, quel doit être le véritable but du travail des intelligences catholiques ? N’est-ce pas l’accord de la foi et de la raison ? Attaquer sans cesse au nom de la religion la liberté de la pensée, n’est-ce pas provoquer les libres penseurs à la guerre, et les amener tôt ou tard à s’attaquer à leur tour aux croyances par le doute philosophique ? Déclarer en outre, au nom de l’autorité, que la philosophie ne peut s’accorder

  1. Dans la première partie de ce travail, on a imprimé que MM. de Riancey étaient fondateurs du Cercle catholique ; c’est l’Institut catholique que nous avons voulu dire, dont MM. de Riancey ont été les plus actifs promoteurs.