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DE LA QUESTION COMMERCIALE EN ANGLETERRE.

trait les bénéfices que les affaires de la France bien conduites ont droit d’en espérer, cette politique assumerait une effrayante responsabilité. Aussi, pour éclairer le pays, pour attirer la pensée des hommes d’état sur ces grands intérêts, regardons-nous comme un des premiers devoirs de la presse d’éclairer sur toutes ses faces la situation de l’Angleterre, de conduire l’attention au-delà de l’écorce superficielle des faits, jusqu’aux nécessités profondes et puissantes qui dirigent les mouvemens apparens.

Une chose frappe d’ailleurs l’esprit dans la vie politique de l’Angleterre, c’est la simplicité en même temps que la colossale grandeur des intérêts, des mobiles, des ressorts. Il n’y a jamais eu, je crois, d’affaires aussi grandes que les affaires actuelles de l’Angleterre ; il n’y a jamais eu d’affaires plus nettement posées, dont il fût plus facile de saisir l’enchaînement, de déterminer les conséquences, de comprendre les nécessités. Je ne sais si l’unité de la politique anglaise est un avantage pour le gouvernement de l’Angleterre ; mais il est certain qu’elle rend plus facile la politique des nations rivales, puisqu’elle permet à celles-ci, dans leurs relations avec le royaume-uni, de calculer rigoureusement et de prévoir sûrement la portée de leurs actes.

Cette unité d’intérêt se concentre et s’enracine chaque jour davantage dans la question commerciale, toute la politique anglaise en procède et y retourne. Le budget est étroitement solidaire de l’état du commerce ; la vie des millions d’hommes que l’industrie agglomère dans ses ateliers en dépend. Pour ses finances, c’est-à-dire pour le ressort même de sa puissance dans le monde ; pour sa tranquillité intérieure, c’est-à-dire pour la sécurité de sa constitution sociale, la politique anglaise est forcée de veiller avec une sollicitude incessante à la question commerciale. Les capitaux ayant des exigences au moins toujours égales, et la somme des besoins des ouvriers s’augmentant par l’accroissement continu de la population manufacturière, tandis que la concurrence du dedans et du dehors diminue sans cesse les profits, il faut accroître la production, et pourvoir au placement d’une quantité plus considérable de produits. Or, le souci de l’extension du placement des produits britanniques est la grande et la première affaire de la politique anglaise. Cette nécessité impérieuse, inexorable, communique à la politique anglaise cette persévérance dans ses entreprises, cette audacieuse impétuosité contre les obstacles qui la heurtent, dont nous lui faisons honneur comme de grandes qualités, mais qui ne sont que des qualités forcées. Tous les mouvemens de la politique anglaise sont dominés par cette impulsion fatale, et pour les