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pages inédites[1]. Une des difficultés du nouveau travail était le classement de cette foule de notes et de petits papiers qui s’ajoutaient ; un excellent esprit de méthode a introduit l’ordre dans ce chaos. Une des sources les plus abondantes où M. Faugère a puisé pour les pièces explicatives lui vient de Clermont, et d’un digne janséniste, M. Bellaigue de Rabanesse, autrefois juge au présidial de cette ville, et d’une famille anciennement alliée à celle de Pascal. Ayant appris un peu vaguement que ce vieillard passait pour posséder des papiers curieux sur l’illustre ancêtre, M. Faugère fit le voyage de Clermont, et de là se rendit à la campagne où vivait M. Bellaigue, plus qu’octogénaire. Le bon vieillard semblait à tous assez morose, assez méfiant ; il n’avait jamais voulu communiquer ses trésors manuscrits à personne, même parmi les siens. Je ne sais si le nom de Gerson ou celui de Pascal opérèrent magiquement et furent le mot de passe, mais M. Faugère apprivoisa tout d’abord le vénérable octogénaire qui put s’étonner sans doute que, dans ce monde si lointain et si renouvelé, on sût si bien les choses d’autrefois, et qui crut reconnaître le doigt de Dieu : « Il me semblait, disait-il, que j’attendais quelque chose. » Il vint exprès a la ville (grand voyage qu’il n’avait fait de long-temps !), il entr’ouvrit ses volets fermés, il ouvrit ses poudreux tiroirs, et deux volumes, l’un de 950 pages environ, l’autre de 500, écrits tout entiers de la main du Père Guerrier, déroulèrent en lignes serrées à l’avide lecteur une foule de lettres d’Arnauld, de Saci, de Nicole, de Domat, etc., etc., surtout de Pascal et de sa famille. Le digne M. Bellaigue, heureux de voir ses richesses si bien comprises, et sentant se ranimer son étincelle n’a pas vécu assez pour assister à l’accomplissement de l’œuvre tant désirée. Il est mort, il s’est éteint en février dernier, demandant jusqu’à la fin des nouvelles de l’édition de Pascal, et ne pouvant dire tout-à-fait comme le vieillard Siméon qu’il mourait content ; c’eût été trop de joie pour lui. M. Faugère nous a peint son vieil ami en une page touchante :

« Dans cet homme affaibli par l’âge, dit-il, quel zèle et quelle passion quand il parlait de monsieur Pascal ou de la sœur Jacqueline de Sainte-Euphémie, de M. de Saint-Cyran ou de la mère Angélique ! Il nous semblait voir et entendre un solitaire de Port-Royal des Champs,

  1. Par exemple, dans le tome I, les notes Pascal relatives aux Provinciales, et dans le tome II, vers la fin, des pages sur Jésus-Christ. Il y a des chapitres où l’astérisque, signe placé par l’éditeur en tête des pensées inédites, reparaît à chaque instant.