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REVUE LITTERAIRE.




POESIES NOUVELLES. - HISTOIRE. - ROMANS.




Qu’il est loin de nous cet âge où les livres étaient rares comme des pierres précieuses, selon l’expression de Voltaire, et où un pauvre copiste employait deux années d’un travail assidu à transcrire la Bible sur du vélin ! Ah ! que dirait un de ces clercs érudits, très au courant des travaux littéraires de leur époque, qui voyaient apparaître dans tout le pays de France quelques volumes au plus par chacun an, si, revenant au monde, il lui tombait entre les mains le Journal de la Librairie ? Certes sa surprise serait grande, et ne le céderait pas, je le suppose, à celle qu’éprouveraient sans doute ces bons religieux de Saint-Maur-des-Fossés, près Paris, qui s’excusaient d’aller en Bourgogne à cause de la longueur et des dangers du voyage, s’ils se voyaient transportés sur quelque wagon, le long de ces chemins qui marchent et portent où l’on veut aller, mieux que les rivières de Pascal. En présence de tous les volumes accumulés dans l’espace de quelques semaines, notre clerc ébaubi, plein de respect pour une fécondité si merveilleuse, se contenterait d’abord de regarder et craindrait de porter une main sacrilège sur de telles reliques. Puis il se hasarderait à lire un de ces ouvrages, et il en admirerai naïvement la facilité unie à l’élégance ; puis il en lirait un second, puis un troisième, et s’apercevant bientôt que la plupart de ces livres se ressemblent, qu’ils s’engendrent les uns les autres, que les vers naissent des vers, les romans des romans, qu’un type original a immédiatement des fils et des