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obtenir une seconde élection ; il fut renversé par le général Jackson et, depuis 1828, il n’est plus question du parti fédéraliste. Ceux même qui en ont conservé les opinions, M. Adams, M. Channing, se gardent bien de prendre un nom impopulaire.et condamné par de trop nombreuses défaites. Toutefois, au moment de la victoire, une scission s’opéra dans le parti vainqueur : beaucoup pensèrent qu’on avait dépassé plutôt qu’atteint le but ; que le gouvernement fédéral, loin de pouvoir porter ombrage à l’indépendance des états particuliers, avait à peine la force suffisante pour gouverner l’Union, et que, si on relâchait encore ces liens si faibles, on arriverait à une dissolution presque immédiate. Ceux-ci voulurent garder ce qu’on avait conquis, mais ne pas faire un pas de plus : de là la naissance du parti conservateur ou whig, comme on l’appelle maintenant. Dès les premiers jours de son existence, ce parti se recruta des débris des fédéralistes, et c’est dans leurs rangs qu’il prit ses chefs, M. J. Q. Adams et M. Clay : son plus grand orateur, M. Daniel Webster, n’est entré dans la carrière politique que depuis l’apparition des whigs. Les démocrates, malgré cette séparation, n’en restèrent pas moins un parti puissant : ils gardèrent leur nom, quoiqu’ils soient divisés en deux sections, les démocrates purs et les locofocos ou mullificateurs, et ils sont demeurés maîtres du terrain, quoique évidemment en minorité dans l’Union. Mais ceci tient à d’autres causes qui veulent être signalées.

Aux États-Unis, les partis se subordonnent aux divisions territoriales, et c’est là le grand danger de l’Union ; avant d’être whig ou démocrate, on est homme du nord ou du sud : l’antipathie est extrême, parce que les intérêts sont fort différens, sinon tout-à-fait opposés à l’origine de l’Union, presque tous les états avaient des esclaves ; tous se livraient à l’agriculture, presque aucun ne s’occupait de commerce ou d’industrie. Les états du sud, favorisés par la nature de leur sol et par le climat, avaient une grande supériorité sur les autres : aussi la Virginie exerça-t-elle quelque temps une influence prédominante. Tout a bien changé par suite du développement de l’Union. Les états issus de la Nouvelle-Angleterre, où l’esclavage n’a jamais existé, ne l’ont pas reconnu comme institution, ou même l’ont proscrit. Les états limitrophes ont suivi cet exemple, soit qu’ils subissent l’influence du voisinage ou celle du grand mouvement philanthropique donné par Wilberforce, soit parce que la nature de leur climat et de leurs cultures rend le travail esclave moins avantageux, soit enfin par l’impossibilité où se trouve le travail esclave de soutenir la concurrence avec le travail libre. Il en est résulté que le flot de l’émigration s’est surtout dirigé