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états du sud-ouest, et leur arrachent des concessions mutuelles. Ils tiennent au nord par le lien d’une origine commune et d’institutions semblables ; ils ne voudront pas s’en détacher, et ne permettront pas d’un autre côté qu’il s’élève au sud une nouvelle confédération indépendante qui leur barrerait le chemin de la mer. Aucune considération ne les fera capituler là-dessus ; communauté de langue et de mœurs, ancienne confraternité, tout cela sera immolé à ce qu’il y a de plus sacré pour l’Anglo-Américain, son intérêt, et cet intérêt exige qu’il conserve ou reprenne, fût-ce par la force des armes, la libre disposition du cours du Mississipi, des ports de Pensacola, de Saint-Augustin et de la Nouvelle-Orléans : et ainsi fera-t-il, quand il devrait, par une guerre fratricide, rejeter la population du sud sur les Florides et le Mexique. Il peut arriver un jour aux hommes du sud, pour les côtes du golfe du Mexique, ce qui est arrivé aux Anglais pour la Normandie et les provinces du littoral français. Ces provinces ont dû devenir et rester françaises, sans quoi la France n’aurait jamais atteint son légitime développement, et aurait étouffé entre l’Allemagne et l’Angleterre : les gens de l’Ohio et de l’Indiana ne sont pas plus disposés à laisser étouffer leur industrie entre les Alleghanys et les états du sud.

Comme question de politique extérieure, l’annexation du Texas a également une haute importance. Quoique l’envoyé mexicain, le général Almonte, ait signifié à M. Calhoun que, si le traité était ratifié par le sénat, il quitterait les États-Unis, et que son gouvernement regarderait cette mesure comme une déclaration de guerre, nous avons peine à croire que le Mexique entre en lutte avec les États-Unis, s’il n’a l’espoir d’être soutenu par l’Angleterre, et ce serait le Mexique qui aurait le plus à craindre d’une semblable guerre. Quand même il se résignerait à ce sacrifice, l’annexation ne serait pas moins funeste au Mexique : elle le livre tout entier aux Anglo-Américains, car il est évident qu’on lui arrachera l’une après l’autre ses meilleures provinces, comme on lui a arraché le Texas. Voici déjà plusieurs années que les Américains pensent à la Californie, qui, en augmentant le nombre de états du sud, aurait encore l’avantage de leur procurer des ports sur l’Océan Pacifique, et d’offrir aux baleiniers des états du nord des points de relâche dont ils ont besoin. En outre, dans le cas désormais assez probable du percement de l’isthme de Panama, la possession de la Californie permettrait aux Anglo-Américains de surveiller et même de commander la communication des deux Océans. Déjà plusieurs milliers de pionniers, au mépris des lois mexicaines, se sont introduits de vive force dans la Californie, et y ont formé des établissemens en dépit