Page:Revue des Deux Mondes - 1844 - tome 7.djvu/283

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

des réclamations des autorités nationales. Bien plus, ils se sont mis à trafiquer des terres ainsi volées, et ils ont trouvé des acheteurs. C’est en un mot la répétition de ce qui s’est fait pour le Texas. Le gouvernement américain, loin de réprimer ces actes de brigandage, les appuie en secret. Ce n’est pas tout : en novembre 1842, un faux bruit se répandit au Chili que des difficultés graves étaient survenues entre l’Union et le Mexique, que la guerre s’ensuivrait probablement, et que le Mexique venait de céder une partie de la Californie à l’Angleterre. Aussitôt le commandant de l’escadre américaine qui croisait sur les côtes du Chili, sans instructions, sans ordre, sans demander aucun renseignement, fait voile vers Monterey, le principal port et la capitale de la Californie, et s’en empare en pleine paix. La ville fut restituée au Mexique, mais le gouvernement américain refusa de révoquer le commandant Jones, et la proposition d’une enquête sur sa conduite fut rejetée dans le congrès, tous les députés du sud ayant voté contre. Enfin on a prétendu qu’aussitôt après le traité du Texas, M. Calhoun avait proposé au Mexique un traité pour l’acquisition de la Californie. Le Texas d’ailleurs, tel que l’étendent arbitrairement les gens du sud, comprend les provinces du Nouveau-Mexique, de Tamaulipas et de Coahuila, c’est-à-dire près de la moitié de l’ancienne vice-royauté du Mexique. Il est donc évident que la population hispano-mexicaine, déjà insuffisante pour couvrir son vaste territoire, sera hors d’état de résister ; qu’elle sera tôt ou tard refoulée dans l’isthme et remplacée par la race anglo-américaine. L’humanité, loin d’avoir à se réjouir de ce résultat, aura à en gémir. L’esclavage renaîtra sur une terre d’où il avait entièrement disparu, et la race africaine travaillera pour les nouveaux arrivés comme elle l’a fait autrefois pour les conquistadores. Grace au travail des esclaves, des sources métalliques qui paraissaient s’être taries se rouvriront tout à coup et couleront avec une nouvelle abondance sous la baguette magique de l’industrie anglo-américaine ; mais ce sera au prix d’un crime social que cette prospérité sera achetée, et puisse l’Union n’avoir pas à regretter un jour d’avoir perpétué l’esclavage ! L’annexation du Texas accomplie, il devient difficile de former aucune conjecture sur le sort futur de la race nègre en Amérique. Si le Texas était demeuré sous la domination mexicaine, c’est-à-dire s’il était resté un état libre, l’esclavage, par le progrès des états libres de l’Union, et par le changement qui s’opère dans les plus anciens des états à esclaves, se serait trouvé resserré dans un cercle de plus en plus étroit ; on n’aurait point eu d’inquiétude sur le sort de la race blanche, et on aurait pu espérer qu’un jour les états du sud, dans