Page:Revue des Deux Mondes - 1844 - tome 7.djvu/329

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de trois millions. Voilà une nouvelle difficulté pour l’équilibre financier. Quant aux moyens de combler le déficit, on nous en parle en termes peu rassurans, et cependant c’est à peine si la chambre a voulu écouter les orateurs qui sont venus lui exposer à ce sujet leurs théories des emprunts. Nous aurions pensé qu’elle voudrait s’occuper de l’organisation des ministères et activer sur ce point le zèle de plusieurs ministres qui n’ont pas même encore préparé leurs ordonnances ; mais on a glissé là-dessus. Pourtant c’est un sujet des plus graves. La justice et le bon sens se récrient sur la situation trop souvent précaire des employés de l’état, sur l’inégalité des traitemens, sur la confusion qui règne parmi les titres et les attributions, sur l’insuffisance de certains rouages de cette vaste centralisation, qui est à la fois un admirable instrument de pouvoir et de liberté régulière, double force que nous ne devons pas laisser périr en nos mains après l’avoir reçue de l’époque puissante dont elle a fait la grandeur. Ne pourrait-on pas attribuer à l’organisation vicieuse ou incomplète de nos départemens ministériels une partie des irrégularités que les commissions de finances relèvent dans l’emploi des fonds de l’état ? Ici ; aux formes tutélaires des adjudications on substitue les marchés de gré à gré, qui privent le trésor des bénéfices que lui donnerait la concurrence des fournisseurs. Là, on viole ouvertement les règles de la comptabilité. On fait des dépenses qui n’ont pas été votés on intervertit les exercices et les chapitres du budget. Nous ne parlons pas de l’Algérie ; nous comprenons les difficultés que rencontre une administration naissante sur un sol mal affermi, où les règlemens de la métropole entrent en lutte avec les résistances locales et avec l’esprit assez désordonné de la conquête. Mais c’est en France, dans nos ports, dans nos établissemens publics, à Paris même, sous les yeux des chambres, que nous voyons les lois financières mal observées, et de ces abus pour lesquels on ne saurait trouver d’excuse après plus de trente ans de gouvernement représentatif. On parle de traitemens augmentés sans crédits, de places créées sans fonctions, d’établissemens fondés contre le vœu des chambres. Bien certainement la majorité n’a pas dit au ministère le quart de ce qu’elle pense sur toutes ces choses. Elle a été indulgente ; elle a eu peut-être un scrupule que nous sommes loin de blâmer. Beaucoup de gens évitent de porter à la tribune les discussions sur les abus de finances, parce que le dommage moral qui en ressort est souvent plus grand que les fautes commises, et parce que la dignité du pays est exposée dans de pareils débats. Ensuite, y a-t-il beaucoup d’honorables membres, au Palais Bourbon, qui aient tris le temps de lire d’un bout à l’autre le volumineux rapport de M. Bignon ?

Comme il arrive souvent que les petites choses se remarquent dans ce bas monde beaucoup plus que les grandes, et comme on est peu charitable dans ce pays assez causeur que l’on nomine la chambre des députés, on a remarqué cette aunée que M. Bignon, nommé deux années de suite rapporteur du budget, se montrait beaucoup moins ardent que l’an passé ; que son rapport,