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très étendu du reste, avait glissé sur des détails assez sérieux, révélés à la chambre par ses collègues de la commission ; que son langage, si acerbe l’année dernière, s’était sensiblement adouci ; qu’enfin, s’il montait à la tribune, c’était pour défendre plutôt que pour attaquer le ministère. Les médisans n’ont pas manqué de dire que M. Laplagne était au moment de céder à M. Bignon son hôtel de la rue de Rivoli. Nous pouvons dire là-dessus ce qui en est. On sait toute l’influence que donne pendant quinze jours à un député le rapport du budget. Tous les ministres sont à ses genoux ; tous les solliciteurs frappent à sa porte. Or, une nuée de ces visiteurs incommodes est venue assaillir cette année l’honorable député. Il en est venu de tous les points de la France, de la Loire surtout. M. Bignon, que le maréchal Soult trouvait l’an dernier le plus impitoyable des hommes, est cependant d’une bienveillance achevée. C’est le cœur le plus généreux. Il n’a pu se voir l’objet de tant de sollicitations sans se sentir attendri. Il s’est laissé aller à des promesses nombreuses qu’il a bien fallu réaliser en partie. Les ministres se sont bien gardés de repousser les demandes appuyées par un homme aussi précieux. Sans aucun doute, M. Bignon n’a pas offert son silence en retour des nobles procédés dont le ministère a pu user envers lui : l’indépendance de l’honorable député est pour le moins égale à son extrême bienveillance et à sa courtoisie ; mais de cette double circonstance que la charité de M. Bignon trouvait à s’exercer sans peine, et que la main du ministère l’aidait à répandre des bienfaits, il est résulté que l’honorable rapporteur, sans rien perdre de son désintéressement et de sa dignité, surtout aux yeux des habitans de la Loire, n’a pas cru nécessaire de blâmer aussi sévèrement que l’an passé le ministère au sujet de ces peccadilles que l’on appelle des infractions à la loi du budget, et qu’il a même jugé convenable de lui prêter un peu d’appui dans l’occasion. Nous ne savons si beaucoup de gens blâmeront au fond M. Bignon ; mais nous en connaissons quelques-uns qui auraient voulu se trouver dans la même situation que lui pour faire exactement la même chose.

Quoi qu’il en soit, bien que le débat sur les questions financières ou administratives ait été rapide, il n’a pas toujours porté bonheur au cabinet. Le maréchal attachait une grande importance à la loi du recrutement. On sait que cette question est devenue l’objet d’un dissentiment entre les deux chambres. Un premier vote de la chambre des députés avait fixé la durée du service militaire à sept ans, et la chambre des pairs, d’accord avec le gouvernement, avait adopté la limite de huit années. La chambre élective vient de reprendre sa première résolution. C’est pour le ministre de la guerre un coup sensible, pour le cabinet un échec, pour les rapports entre les deux chambres une difficulté de plus, pour le pays enfin un résultat affligeant, car le voilà pour long-temps peut-être d’une loi impatiemment attendue. Un vote important a eu lieu pour les finances. Le ministère, par l’organe de M. Laplagne, proposait de réduire à 3 pour 100 l’intérêt du cautionnement