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faire comme Sièyes et ces autres abbés, philosophes dès le premier jour. Il garde de l’oratorien et du gallican dans les formes jusqu’en 92, de même qu’après le 18 brumaire et sous le régime impérial ; il gardera du républicain de l’an III, sans rompre toutefois avec l’Empire ni s’en abstenir absolument comme le firent Révellière-Lépeaux, La Fayette, et autres opposans déclarés. Il commençait à se résigner à l’Empire vers 1810, vers 1812, quand c’eût été plutôt le cas d’y renoncer. Ainsi sous la restauration, ainsi sous le régime de 1830 ; il subit beaucoup, résiste de côté et devance peu. On pourrait prendre, à chaque régime, des noms pour les opposer au sien et marquer en lui cette différence qui fait son originalité, sinon sa supériorité. C’est pourquoi le public ne s’est jamais accoutumé à personnifier en Daunou aucune grande situation, et nous n’avons à le classer en définitive qu’au premier rang des hommes distingués, quand d’autres, qui ne le valaient pas, ont paru des personnages supérieurs.

L’ancien oratorien et prêtre, l’homme d’étude et l’écrivain en lui, sauf de rares momens, sont toujours venus prendre en biais tenir en arrêt l’homme politique.

Avant son entrée à la Convention, il convient de relever encore deux circonstances. Il fut l’auteur, le rédacteur du Plan d’éducation présenté à l’Assemblée nationale, en 1790, au nom des instituteurs publics de l’Oratoire[1] ; et depuis lors, dans les diverses assemblées où il siégea, on le verrait figurer invariablement comme membre ou rapporteur de presque tous les comités et commissions d’instruction publique : questions toujours graves, trop souvent stériles, parce que tous ces beaux plans et appareils d’organisation ne valent que ce que les font dans la pratique les maîtres eux-mêmes. Vers 1791 enfin, M. Daunou se mit à concourir pour le prix fondé par Raynal à l’académie de Lyon sur le sujet suivant : Quelles vérités et quels sentimens

  1. Ce Plan d’éducation essuya des critiques, et il parait qu’il fut surtout attaqué par une personne assez au fait de l’Oratoire et qui probablement en était ; M. Daunou répondit en quelques pages non signées avec une singulière vivacité : « Les oratoriens, dans leur projet d’éducation, disent que la morale de l’Évangile serait le chef-d’œuvre de l’esprit humain, si elle en était l’ouvrage ; ils veulent que cette morale soit enseignée par tous les instituteurs, et que dans chaque pensionnat il y ait un ecclésiastique chargé de remplir les fonctions sacerdotales auprès des élèves… Savez-vous ce que conclut de là mon libelliste dans son aristocratique impudeur ? Il fait entendre que les auteurs de ce projet d’éducation et leurs adhérens sont des spinosistes ou des déistes tout au moins. » Tout cela est très bien raisonné, condillaquement parlant, e pure… Le libelliste, comme on l’appelle, avait-il si grand tort ?