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et à modérer dans un intérêt politique les excès de l’industrie ; l’autre est la tentative entreprise par l’école d’Oxford pour rétablir les vrais principes du christianisme et pour ranimer le sentiment religieux au point de vue et dans l’intérêt de la haute église. Les membres les plus distingués de la jeune Angleterre secondent avec ardeur cette tendance. Les progrès rapides qu’elle fait au sein du torysme contribueront sans doute à y effacer les préjugés barbares dont les catholiques sont encore victimes, ils aideront peut-être un jour à aplanir les difficultés de l’Irlande. La promesse que sir Robert Peel faisait la semaine dernière, aux applaudissemens de M. Sheil, de s’occuper de la formation d’une université catholique en Irlande, les paroles bienveillantes avec lesquelles lord John Manners s’est empressé de l’en féliciter, nous confirment dans cette espérance. Les hommes de la jeune Angleterre, en suivant cette double voie, peuvent préparer au torysme cette réserve d’idées justes et généreuses qui fécondent et élèvent les grandes opinions ; c’est pour eux la meilleure manière de servir leur parti et leur pays, leur ambition et leur renommée. Mais si, perdant de vue ces nobles intérêts, la jeune Angleterre se laissait entraîner dans une guerre personnelle et acerbe contre sir Robert Peel, si elle se plaisait au jeu périlleux des crises ministérielles, au lieu d’acquérir la considération d’une école sérieuse et pleine d’avenir, elle ne laisserait dans l’histoire contemporaine que le souvenir d’une mesquine et puérile intrigue.

Tout-à-fait désintéressés dans ces questions, que nous croyons pouvoir par cela même apprécier avec impartialité, tels sont les enseignemens que nous tirons de Coningsby. Nous présumons qu’au fond notre manière de voir ne diffère pas de celle des principaux membres de la jeune Angleterre. Peut-être M. d’Israeli accusera-t-il la sévérité du jugement que nous avons porté à regret sur Coningsby. Je dis à regret : car les distinctions réelles de M. d’Israeli, la reconnaissance que je lui garde des sentimens dont il témoigne pour la France, me font déplorer la violence et l’amertume qu’il a mises lui-même dans des attaques qu’il a complètement échoué à justifier. Après dix-sept années consacrées aux travaux littéraires ou aux affaires publiques, et pendant lesquelles son esprit eût dû acquérir en maturité ce qu’il gagnait en qualités agréables, j’aurais, pour ma part, sincèrement souhaité qu’il eut préservé sa conduite politique des témérités emportées dont il dépeignait lui-même les fièvres, et dont il racontait la triste catastrophe dans Vivian Grey.


E. FORCADE.