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La cause qu’il défendait si bien triompha un jour, et la révolution de 1830 fit en un moment des idées contestées les idées reçues, de l’offensive la défensive, de l’opposition le pouvoir. Le Globe disparut, sa mission était finie ; M. Jouffroy, libre comme la France, revint à l’enseignement, et ne tarda pas à entrer dans la politique active.

Suivons-le, mais rapidement, dans cette double carrière.

Dans l’une, nous retrouvons la philosophie proprement dite. M. Jouffroy remonte dans sa chaire, avec un esprit plus mûr, avec des doctrines mieux arrêtées, plus complètes ; à son enseignement définitif correspond la publication de ses plus importans écrits. Les douze dernières années de sa vie sont les plus fécondes, et pour analyser ses travaux il faudrait exposer toute une philosophie. Il est trop tard, et cet article ne se prolonge que trop. Quelques mots seulement sur l’ensemble et le caractère de sa doctrine.

Le fondement de tout est, comme on sait, la psychologie. Il y a un esprit humain ; il se connaît par la conscience et dans la conscience. Ses opérations, ses facultés, ses lois, sont des faits ; la psychologie, et par suite la philosophie tout entière, est une science de faits, et il n’existe d’autres sciences que des sciences de faits. Seulement, tous les faits ne sont pas semblables, et toutes les sciences ne sont pas les mêmes, parce que tous les faits ne sont pas de même nature ; mais toutes reposent sur l’observation. L’observation diffère dans son procédé, suivant la nature des faits. De là, diversité de méthode et de certitude ; mais la méthode est également sûre, la certitude également entière, qu’il s’agisse des faits internes ou des faits externes. La psychologie n’est pas la physiologie, elle en est profondément distincte, elle s’appuie sur des bases mieux connues et procède par des inductions moins contestables. Tous ces points, que M. Jouffroy a cent fois traités, ne l’ont jamais été peut-être avec plus de clarté et de force que dans un de ses derniers écrits qu’il composa pour l’Académie des sciences morales et politiques[1].

Mais la psychologie serait fausse, si elle se bornait à constater des opérations et à en conclure des facultés. Il naît de ces opérations et de ces facultés des inductions constantes, universelles, qui sont des faits aussi, des faits de l’esprit humain, et qui tout à la fois se livrent à l’observation, satisfont la raison, et forcent son assentiment. Les démêler, les constater, les mettre dans tout leur jour, c’est établir indirectement, mais solidement, les grandes vérités qui en découlent,

  1. Mémoire sur la légitimité de la distinction de la psychologie et de la physiologie. — Nouveaux Mélanges, p. 223.