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et la même méthode sert à connaître et l’esprit humain, et ce que l’esprit humain connaît, et ce qui est. La psychologie n’est donc pas réduite à retracer ce qui nous semble. Elle donne, à la suite des faits primitifs, de conscience, elle y rattache, elle y enchaîne des conclusions qui vont au-delà du cercle de la pensée et se réalisent en de nous. La philosophie écossaise, qui commence bien, s’arrête en chemin. Elle ne connaît pas toute la fécondité de l’esprit humain, elle ne connaît pas toutes les ressources de la raison et la certitude de ses conceptions. Les vérités, pour avoir débuté par être des idées, n’en sont pas moins des vérités, c’est-à-dire les objets et les types des idées[1].

Pourtant les sciences philosophiques, bien qu’appuyées sur de fermes fondemens, n’ont pas su toujours les découvrir, et quelquefois les ont sapés elles-mêmes. Elles n’ont pas établi irréfragablement l’autorité de leur méthode, elles n’ont pas rigoureusement déterminé l’existence et la nature de leur objet, elles n’ont pas exactement tracé leurs limites, et tour à tour elles ont empiété sur d’autres sciences ou se sont laissé envahir par d’autres sciences. Elles sont donc mal faites et mal ordonnées, elles ne sont pas organisées. Il y a eu de grands travaux philosophiques, surtout de grands philosophes ; il n’y a pas peut-être de philosophie[2].

Cependant l’histoire de la philosophie doit être étudiée, non-seulement parce qu’elle est curieuse, intéressante, brillante même, mais parce qu’elle est le tableau de l’humanité recherchant la vérité. Or, les hommes pensent, même lorsqu’ils se trompent ; leurs idées sont nécessairement des faits intellectuels ; à ce titre, elles ne peuvent jamais être fausses. Il y a toujours du vrai dans le faux et de la raison dans l’erreur. Seulement, toute la vérité n’est nulle part ; la raison n’est jamais toute la raison. On ne peut s’approcher de la vérité, de la raison, qu’en réunissant, qu’en combinant tout ce qu’à différentes époques l’esprit humain a su apercevoir et constater ; et ce n’est que des fragmens de vérité épars dans toutes les philosophies qu’on peut constituer enfin la philosophie[3].

Jamais, cependant, la philosophie ne résoudra toutes les questions.

  1. Préface de la traduction de Reid, tome I des Œuvres complètes.
  2. De l’Organisation des sciences philosophiques. — Nouveaux Mélanges pag. 1-221.
  3. De l’Histoire de la philosophie. — Premiers Mélanges, p. 221. — Ouverture du cours d’histoire de la philosophie ancienne - Nouveaux Mélanges, p. 349.