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Si nous sommes bien informés, la question a été traitée plus d’une fois depuis 1830 entre l’ambassadeur d’Angleterre et les ministres des affaires étrangères. On a dit à l’ambassadeur ce que nous disons nous-mêmes, qu’en principe, les pouvoirs du consul anglais devaient être renouvelés ; en effet, d’après les capitulations, le consul anglais auprès du dey avait dû être assimilé aux agens diplomatiques, et recevoir comme eux des lettres de créance ; depuis notre conquête, Alger étant devenu un gouvernement dépendant de la France, une double situation se présentait : ou bien le consul anglais devenait agent commercial, alors il avait à demander son exequatur, ou bien il restait agent diplomatique ; alors, où étaient ses lettres de créance ? Voilà ce qu’on a dit d’abord à l’ambassadeur d’Angleterre. On a été plus loin : on lui a fait entendre qu’en supposant même l’incertitude dans les principes, il était convenable que la question fût décidée dans le sens d’un renouvellement de pouvoirs, que les susceptibilités nationales en France finiraient par s’irriter là-dessus, que dans l’intérêt de la paix européenne, dont la garantie reposait sur l’union entre la France et l’Angleterre, il serait utile d’écarter cet embarras. Comment l’ambassadeur d’Angleterre a-t-il accueilli ces ouvertures ? S’est-il rejeté sur une question de droit ? A-t-il prétendu que d’après les règles diplomatiques les pouvoirs du consul anglais n’avaient pas besoin d’être renouvelés ? Nullement. Il n’a fait aucune objection de fond : il a mis en avant le besoin pour l’Angleterre de conserver son influence à Constantinople. On sait les contestations ridicules que la Turquie a élevées sur notre souveraineté en Algérie, à tel point qu’un jour l’ambassadeur turc entra chez un ministre des affaires étrangères tenant à la main une protestation écrite, que le ministre, dont nous pourrions citer le nom, ne voulut pas recevoir, et sur laquelle il ne daigna pas même jeter les yeux. Sans doute, les prétéritions du divan étaient absurdes, et il était assez étrange que l’Angleterre nous demandât de lui laisser jouer à nos dépens un rôle qui les favorisait ; mais la nécessité de ménager la Turquie pour terminer heureusement les affaires d’Orient fit consentir au vœu exprimé par l’ambassadeur d’Angleterre. Le gouvernement de la France attendit des circonstances plus opportunes pour faire valoir son droit.

Ces circonstances se présentent aujourd’hui. Aucun ministre, depuis 1830, n’a reçu plus déloges en Angleterre que M. Guizot. Nous ne disons pas qu’on lui ait fait jusqu’ici beaucoup de concessions ; mais on lui en doit beaucoup. Ce n’est pas lui que l’Angleterre ou la France peuvent soupçonner d’une préférence secrète pour la Russie. Il a tout fait pour l’Angleterre ; elle lui doit bien en retour quelque chose. Ajoutez que notre situation en Algérie peut exiger d’un instant à l’autre l’emploi de grandes ressources. Le moment serait mal choisi pour l’Angleterre de maintenir, en dépit du sentiment national qui se prononce, une sorte de menace diplomatique dont l’effet serait de rendre plus difficile pour nous la lutte que nous soutenons contre les populations africaines. Une négociation à cet égard est urgente, ne fût-ce que pour rétablir des principes méconnus, et placer le gouvernement