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d’avoir l’importance qu’on leur a attribuée, et que l’économie politique renferme des parties plus fécondes et d’un intérêt bien autrement vif.

L’école de Smith n’admettait qu’une seule nature de valeur : la valeur en échange ou échangeable ; Ricardo, et avec lui M. Rossi, disent qu’à côté de celle-ci il en est une seconde, qu’ils nomment la valeur en usage. La première serait l’utilité indirecte, l’autre l’utilité directe ; l’une le trafic, l’autre l’emploi immédiat des choses. La nécessité de ce second terme de la valeur parait indispensable à MM. Ricardo et Rossi pour expliquer certains faits et classer certains phénomènes. Il est, par exemple, des objets dont on use sans pouvoir ou sans vouloir les échanger. Tels sont les monumens publics, les routes, les canaux, les ponts ; telles seraient les récoltes que le fermier consommerait lui-même au lieu de les vendre. Tout cela, ajoutent-ils, ne peut rentrer dans la classe des valeurs en échange ; il faut donc créer une nouvelle catégorie, qui est celle de la valeur en usage.

Il y a là dedans, ce semble, plus de subtilité que de vérité. C’est confondre la propriété avec la destination des choses. Tout produit est échangeable, a eu cette qualité ou l’a encore : seulement, au lieu de l’échanger, parfois on en use, on le consomme directement. L’usage n’infirme pas la valeur d’échange des objets, et ne saurait être invoqué contre elle. Il est vrai que certaines richesses, comme les chemins et les monumens, deviennent, entre les mains de la communauté, des biens de main-morte, indivisibles et se refusant à toute appropriation individuelle par conséquent à tout échange ; mais, pour arriver à cet état, ces richesses ont dû passer par la loi commune, être échangées contre des salaires et autres services productifs, et si, quand elles sont créées, la société aime mieux en jouir que les aliéner, ce n’est pas une raison de penser que toute valeur d’échange soit détruite en elles, parce qu’elle y sommeille. La vente des biens nationaux dans la période révolutionnaire, l’aliénation de plusieurs forêts de l’état à une époque plus récente, prouvent que ces richesses de main-morte peuvent retrouver, à un jour donné, leur valeur d’échange et rentrer dans la circulation après en avoir été long-temps distraites. La difficulté se réduirait dès-lors à quelques exceptions qui ne méritent pas que l’on surcharge la science d’une définition de plus.

Le même caractère se retrouve dans la théorie des frais de production que Ricardo oppose à celle de l’offre et de la demande. Voici, en peu de mots, quel est ce problème. La mesure de la valeur, c’est le prix : or comment se règle, se détermine le prix ? Ici commencent les incertitudes. Dans un ordre logique, le prix devrait se composer du