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coût des choses, plus d’un bénéfice raisonnable pour le producteur. Malheureusement les faits ne se prêtent pas à cette marche naturelle et simple. Entre les producteurs existent des inégalités d’aptitudes, de prétentions, de positions, qui ne permettent pas d’adopter une loi forme, même scientifiquement. Ce serait non-seulement une erreur, mais encore une injustice. Qu’ont fait les économistes ? À la loi de la production ils ont substitué la loi du marché. Le prix, disent-ils, ne se détermine qu’indirectement par le coût des choses il se détermine directement, essentiellement, par le rapport de l’offre à la demande. L’offre représente la quantité des produits qui cherchent un acheteur ; la demande est la quantité des produits que l’on désire acquérir. La demande est-elle forte et l’offre faible, les prix se maintiennent ou s’élèvent : au contraire l’offre est-elle abondante et la demande faible, à l’instant les prix inclinent vers une dépréciation. Dans les deux cas, c’est la concurrence qui opère ; elle se déclare entre les vendeurs quand la somme de la marchandise excède celle des besoins, elle naît entre les acheteurs quand la somme des besoins excède celle de la marchandise. En remontant jusqu’à la production, l’effet de l’offre et de la demande se manifeste soit par un ralentissement d’activité quand l’offre abaisse les prix au-dessous de la limite où s’arrête la convenance de produire, soit par un accroissement de travail quand la demande se résout en bénéfices qui sont une prime offerte à une production plus grande. Il va sans dire que la quantité n’est pas le seul terme décisif dans le phénomène de l’offre et de la demande, et que la qualité y tient une place tout aussi considérable comme règle et mesure du prix.

Voilà une loi simple et peu s’en faut complète ; elle n’a qu’un tort, c’est de ne pas saisir le produit à l’origine pour le suivre dans les diverses opérations auxquelles il donne lieu. Ricardo et M. Rossi après lui ont pris cette marche et cherché la valeur réelle des choses dans les frais de toute nature nécessaires pour les produire. Il sont poursuivi tous deux la théorie du prix, tandis que les autres économistes n’en signalent que le plus constant phénomène. Cette donnée, juste en elle-même et méthodique, a le défaut grave d’être incompatible avec les faits. Ce que l’on nomme le prix de revient ne règle jamais l’état du marché ; c’est au contraire l’état du marché qui règle le prix de vente. À côté du coût des choses, il est une foule de circonstances variables qui influent sur le parti que l’on en tire : par exemple, la perfection plus ou moins grande de l’objet, le besoin de réaliser, les masses sur lesquelles on opère, le jeu des rivalités industrielles et commerciales. Vouloir soumettre à une règle fixe des causes si mobiles et si