Page:Revue des Deux Mondes - 1844 - tome 7.djvu/664

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ne me trompe, cette mine lugubre qu’on lui reproche lui vient de sa manière d’aller vêtu. Un moment, Pombal voulut reformer le costume ; mais les traditions universitaires prévalurent, et d’ailleurs on lui représenta que ce costume favorisait les idées d’égalité en rendant impossible toute distinction entre le riche et le pauvre. — Sitôt que le recteur eut levé la séance, nous nous rendîmes dans son appartement. Le comte de Terena est un digne et honnête vieillard pénétré à fond de l’excellence de ses écoles, et qui, sur le chapitre de l’établissement qu’il dirige, n’entendrait pas raillerie ; nous parcourûmes avec lui les salles où se tiennent les cours, et tout ce que j’y remarquai fut une ouverture pratiquée dans le mur et recouverte d’un rideau, au moyen duquel sa magnificence peut surveiller son monde en cachette, et savoir à toute heure, sans être vue, ce qui se passe entre les professeurs et les élèves. » Voilà, j’imagine, une façon d’agir tout orientale, et ce mystérieux rideau m’a bien l’air de venir en droite ligne du sérail de quelque prince maure. — L’université de Coïmbre ne compte pas plus de mille étudians. Quarante-six professeurs, assistés de vingt-sept suppléans, enseignent la théologie, le droit canon, la jurisprudence, la médecine, les mathématiques, en tout six facultés auxquelles il faut joindre un institut pour les arts. Cette organisation date de Pombal, et, quoi qu’on ait fait depuis soixante ans pour l’améliorer, elle est bien loin de répondre encore aux besoins de la science moderne ; sans rappeler ici les arts pratiques totalement omis, que devient l’histoire dans ce programme ?

Avez-vous jamais ouï parler de Condeixa, nom charmant, qui signifie en portugais corbeille de fleurs ? Condeixa est une petite ville à deux lieues de Coïmbre, ou plutôt un délicieux jardin de myrtes, de lauriers-roses et de cactus. L’auteur de ces Souvenirs, après avoir loué les délicieuses oranges qu’on y trouve, cite en passant cette phrase recueillie par lui : « Les femmes de Condeixa sont fort jolies et plus libres que dans aucune autre ville du Portugal ; le voisinage des étudians de Coïmbre en est la cause. Ceci donne à penser, et volontiers j’inclinerais à croire, après l’ingénieuse remarque, que les étudians en soutane, après tout, ne sont pas si noirs qu’ils en ont l’air. »

En France, on a peu écrit sur le Portugal. Si l’on excepte les mémoires du duc du Châtelet, que j’ai cités plus haut, l’Essai statistique de M. Balbi, volumineux ouvrage à compulser, mais d’un optimisme fatigant, la belle étude de M. Magnin sur Camoëns, l’Histoire de la littérature portugaise de M. Ferdinand Denis, et enfin un travail curieux et complet de M. de Lasteyrie sur l’état politique et moral du pays[1], je ne vois guère quels documens il reste à invoquer ; bien entendu que nous ne parlons pas ici des livres de Dumouriez et de Foy, ouvrages militaires et d’un intérêt tout spécial. Sous ce rapport, l’Allemagne est plus riche. On ne saurait croire, en effet, quel

  1. Voyez, dans la livraison de la Revue du 15 mars 1841, le Portugal depuis la révolution de 1820.