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accroissement cette espèce de littérature que j’appellerai, faute d’un autre terme, la littérature touriste, semble vouloir prendre depuis quelque temps au-delà du Rhin. En dehors de l’escouade tumultueuse de MM. Herwegh et Wienbarg papillotte et s’agite toute une nuée d’esprits élégans et faciles, d’ingénieux diseurs qui ne demandent qu’à trouver le butin. Aussi c’est merveille de voir comme les impressions de voyage se multiplient ; il y en a sur l’Italie, sur l’Espagne, sur la France, et les dernières ne sont pas les moins curieuses. Pour en revenir au Portugal, le livre de M. de Eschwege, écrit vers 1836, ouvre, si je ne me trompe, en Allemagne la série des travaux contemporains sur cette question. Depuis se sont succédé les Reisebriefe de Mme la comtesse Hahn-Hahn, et enfin l’ouvrage nouveau sur le Portugal. M de Eschwege est pessimiste, il voit tout en noir ; c’est un écueil auquel échappe l’auteur des Souvenirs de 1842, sans tomber dans l’optimisme que je blâmais tout à l’heure. Ce qui plaît surtout dans ce livre, c’est l’impartialité de jugement jointe à un coup-d’œil sûr, à une manière toute sérieuse d’envisager les évènemens et les hommes. Je reprocherai cependant à l’auteur certaines négligences de détail qu’il aurait pu s’épargner, et qui font tache. Ainsi, chaque fois qu’il s’agit de raconter un site ou de décrire les magnificences d’un palais, ce palais fût-il celui d’Ajuda, il se tire d’affaire en quatre lignes et ne manque jamais de vous renvoyer, pour plus ample information, aux Reisebriefe de Mme de Hahn-Hahn, « qui, ajoute-t-il, a plus d’esprit et de patience que moi. » Quand on prétend écrire un livre sur un sujet, il faut envisager d’avance toutes les difficultés du travail, et, quelles qu’elles soient, y faire face de son mieux. A cela près, l’ouvrage est excellent ; mais, je le répète, ces complémens, qui peuvent entrer plus tard dans la pensée du lecteur, il n’appartient jamais à l’écrivain de les indiquer. Un ouvrage doit se suffire à lui-même, et le seul corollaire qui fût permis à l’auteur du Portugal, c’était son livre sur l’Espagne :


HENRI BLAZE.