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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.


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14 août 1844.


Dès que le ministère du 29 octobre a pris les affaires, on lui a dit : Ne vous jetez pas inconsidérément dans l’alliance anglaise, ne précipitez rien, soyez prudent. Vous voulez renouer l’alliance brisée par le traité du 15 juillet, vous la jugez nécessaire au repos de l’Europe, vous voulez sortir de l’isolement où les évènemens de 1840 ont placé la France : soit. Rapprochez-vous de l’Angleterre, mais n’aliénez pas votre liberté. L’Angleterre se tient sur la réserve avec vous : ne montrez pas dans la recherche de son alliance une vivacité indiscrète, mesurez surtout votre langage officiel, ne donnez pas vos espérances pour des réalités, songez aux ressentimens excités en 1840. Pour proclamer l’intimité des deux gouvernemens et des deux peuples, attendez qu’elle soit rétablie.

M. Guizot, sans écouter ces sages conseils, a proclamé l’entente cordiale ; aussitôt on lui a dit : Vous allez contre le but que vous voulez atteindre, vous compromettez l’alliance par cet empressement irréfléchi. Du côté de l’Angleterre, vous ferez naître des exigences ; du côté de la France, vous exciterez de justes susceptibilités : vous ferez croire, vous ferez dire que le gouvernement de juillet a fléchi, et qu’il est disposé à faire des concessions ; le sentiment national s’inquiétera. L’alliance anglaise, devenue pour vous une source d’embarras et une blessure pour l’amour-propre du pays, sera impopulaire. Les esprits s’aigriront chez les deux peuples ; le moindre accident, amené par le hasard au milieu de cette situation équivoque, pourra produire une explosion.

L’incident est arrivé, et l’explosion a eu lieu. L’affaire du missionnaire Pritchard a mis le feu dans les journaux des deux pays ; les vieilles jalousies