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le producteur ; ou cet article se distingue par quelques qualités nouvelles, et dans ce cas qu’arrive-t-il ? Le public, peut-être, sera mis à même de mieux l’apprécier ; mais les rivaux du producteur, plus habiles, et plus intéressés que le public, s’empresseront à l’envi de reconnaître par quels procédés particuliers on a pu arriver à la perfection qu’ils voient accueillie. Cette leçon donnée leur profitera, et sans avoir eu les chances des expériences à faire, les frais plus ou moins grands des tâtonnemens, ils se trouveront de plain-pied les égaux de celui qui les avait devancés. Puis viendront les investigations du jury dont l’enquête se poursuit dans les moindres détails et veut tout savoir pour tout apprécier. Arrivera enfin, mais non la moins dangereuse, l’exploration de l’étranger qui vient s’éclairer par la comparaison de tant d’objets réunis, et importe chez lui le résultat de nos découvertes et de nos veilles.

Telle est la perplexité du fabricant français d’un côté la louange et la récompense qui la suit, la vanité, disons-le, plus ou moins satisfaite, l’espoir incertain de débouchés nouveaux ; de l’autre les frais, l’abandon de ses affaires, la communication presque certaine à ses rivaux de ses moyens particuliers de réussite. Faut-il donc s’étonner de la répugnance que tant de fabricans éclairés témoignent pour les expositions ? Doit-on s’émerveiller par exemple que la fabrique de Lyon et celle de Roubaix n’aient envoyé que des étoffes déjà passées dans le domaine public, usées, pour ainsi dire, sous le rapport du goût ? Est-ce que leur ruine n’était pas attachée à la divulgation de leurs produits les plus actuels, de ceux que la saison prochaine doit révéler ? Les succès de la plupart des industries dépendent du secret ; l’homme industrieux qui aura inventé un objet qui peut plaire et attirer l’acheteur doit être en possession d’une espèce de monopole temporaire pendant lequel la vogue le dédommage de ses travaux, et qui cesse lorsque la tourbe des imitateurs vient partager sa récompense.

Les expositions ont pu être utiles au sortir de notre première révolution, lorsqu’il convenait de rassurer le pays et de lui prouver que tout esprit d’industrie n’avait pas péri dans la tourmente : elles ont pu servir encore les vues du chef de l’empire ; depuis, il est permis de discuter leur mérite. Quant à nous, nous croyons qu’une exposition où l’on pourrait, même à grands frais, réunir les productions de l’industrie étrangère, si elle flattait moins notre amour-propre national, nous serait un sujet inépuisable d’émulation et d’enseignement. Dans une pareille exposition, il ne s’agirait uniquement que de l’industrie étrangère, de ses produits et de la recherche de ses débouchés. Nous