Page:Revue des Deux Mondes - 1844 - tome 7.djvu/726

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

formons quelquefois le vœu que le pays sous ce rapport le plus avancé, la Grande-Bretagne, en vînt à se décider à ouvrir un concours à l’instar de celui qui vient de se fermer en France ; mais nous doutons que ses fabricans répondissent à la voix qui les inviterait : chacun d’eux voudrait étudier ses concurrens, comme déjà ils viennent de le faire chez nous ; aucun ne voudrait servir de sujet d’étude.

Une longue paix, les populations croissantes, une application mieux raisonnée des forces des hommes aux arts agricoles et industriels, a augmenté partout la masse des produits destinés aux besoins des nations. La richesse s’est trouvée représentée sous toutes les formes échangeables, et le crédit, se développant à sa suite, a déterminé des efforts chaque jour nouveaux. L’entreprise a calculé les avantages qui pouvaient être réalisés par le travail en commun et sous la direction d’une seule volonté. Toutes les fois que l’artisan ne s’est pas trouvé dans l’obligation d’un rapport direct avec le consommateur, il a dû se retirer et faire place au fabricant. Il n’est presque plus besoin de commander à l’avance, si ce n’est pour quelques objets spéciaux ; l’on trouve partout et tout prêts tous les objets dont le besoin peut se faire sentir. L’extension donnée aux manufactures diminue le prix de revient, et la spontanéité du désir promptement satisfait augmente les consommations, qui souvent n’auraient pas eu lieu, s’il eût fallu les soumettre à la discussion et surtout à l’incertitude d’une satisfaction future. Telle est la voie où tous les peuples sont entrés, et les conséquences en ont été importantes.

Quel que soit le génie inventif et appliqué de ses habitans, la France n’est arrivée que sur un petit nombre d’objets, et non tous des plus importans, à cette perfection industrielle où ses rivaux l’ont devancée. Les choses où elle excelle sont surtout celles qui dépendent de ce sentiment presque indéfinissable que l’on nomme le goût, puis aussi celles qui veulent être aidées par le concours de la science, et où les hommes éminens qu’elle possède ont pu la guider. Cette part est belle assurément ; cependant ce n’est pas celle qui, dans les relations avec les nations étrangères, peut mettre de notre côté la balance de la fortune publique. Les arts utiles qui s’occupent davantage des produits nécessaires à tous les peuples, et chez les divers peuples aux classes les plus nombreuses, sont justement ceux où nous sommes restés inférieurs.

Sans doute on ne peut considérer comme une chose fâcheuse que généralement en France le prix de la main-d’œuvre dans nos fabriques soit assez élevé pour qu’une aisance relative d’accord avec notre climat et les besoins de la vie soit le partage des classes laborieuses. Il vaut