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considérable ; les doctrines sur lesquelles leur prospérité devait s’établir furent soutenues par tous les hommes qui s’intéressaient à la monarchie fondée en juillet. Voici en quelques mots ces doctrines conservatrices : amasser un bien solide sur lequel le hasard ne domine pas, chercher des appuis dans le travail et dans l’économie, étendre aux années futures les précautions dictées par la sagesse. Ce langage est sévère ; les rêveurs et les poètes aimeront mieux celui du Christ, lorsque, faisant observer au peuple la splendeur des lis, qui ne travaillent ni ne filent, et la douce insouciance des oiseaux du ciel, qui n’amassent pas de blé pour l’hiver dans des greniers, il exhortait les hommes à la confiance en Dieu. Aujourd’hui, ce beau langage ne serait plus de nature à être écouté ; l’état conseille sans cesse au peuple, malgré l’Évangile, de songer au lendemain, de s’inquiéter des vêtemens qu’il portera dans la saison froide, et du pain qu’il mangera dans ses vieux jours. Que faire à cela ? C’est la doctrine du siècle, c’est celle de la philosophie et du bon sens. La nature s’occupe bien tous les ans de filer de ses doigts délicats la tunique des lis ; mais la société ne se charge pas de fournir des habits à ses enfans : les oisifs ou les imprévoyans courent donc grand risque d’aller tout nus parmi les fleurs écloses. Il faut nous résigner à vivre économiquement et prosaïquement. C’est la loi du temps ; nos regrets n’y peuvent rien changer. Les sociétés modernes ne défendent pas à l’homme de demander son pain de chaque jour à notre père qui est aux cieux ; mais elles lui conseillent. surtout de le demander à ses bras, à son intelligence, à son travail. On ne connaît plus guère cette aveugle Providence, qui, étant censée élargir ses mains sur toutes les créatures, pouvait engendrer chez l’homme la paresse, l’oubli du lendemain, l’incurie pour lui et pour les siens de la stérile vieillesse ; on croit aujourd’hui à la providence du sage, qui, tout en se confiant dans la bonté du Créateur, veille néanmoins lui-même sans cesse pour éloigner de son patrimoine les chances de ruine et pour accroître le bien-être autour de sa famille, la providence, en un mot, de l’homme qui prend pour devise le précepte du fabuliste : Aide-toi, le ciel t’aidera.

L’église a été obligée de subir elle-même l’influence des idées économiques ; une caisse d’épargne a été fondée à Rome, et Grégoire XVI a recommandé du haut de son siége l’usage de cet établissement, comme utile aux bonnes mœurs. « Le jour du Seigneur, s’écrie-t-il, sera mieux sanctifié, parce qu’on y épargnera l’argent dépensé à jouer ou à boire. » Au nombre des services publics que les caisses d’épargne