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des fonds déposés à la caisse d’épargne a subi quelques modifications. La loi du 5 juin 1835 avait laissé au trésor la gestion de l’argent des caisses d’épargne ; il en résultait plusieurs inconvéniens : le plus grave de tous était d’absorber des sommes considérables et de les condamner à l’inaction, les règlemens de la trésorerie lui défendant de placer ses capitaux au dehors. Une autre loi, celle de mars 1837, se proposa de remédier au mal, en chargeant du service des caisses d’épargne la caisse des dépôts et consignations, plus libre dans ses allures, et qui peut à volonté employer ses fonds, soit en rentes sur l’état, soit en actions des canaux, soit en prêts aux communes, soit enfin en bons royaux. C’était un pas bien débile sans doute et bien timide, mais enfin c’était un pas vers la mobilisation du capital des caisses d ! épargne. Le plus grave reproche, et selon nous le plus fondé, que les adversaires de cette institution renouvellent sans cesse, est en effet que la caisse d’épargne retire du commerce des fonds énormes, sans leur imprimer une activité, sans les faire vivre en quelque sorte ; car l’argent dans un état vit et respire comme le sang par la circulation ; Malheureusement ce progrès, si faible qu’il fût, se vit bientôt lui-même entravé dans sa marche par des obstacles matériels. Pendant un temps, la caisse des dépôts et consignations put acheter des rentes au-dessous du pair ; mais les fonds des caisses d’épargne allant toujours croissant, et d’un autre côté, la rente cessant de présenter un intérêt égal à celui qui est dû aux caisses d’épargne (4 pour 100), la caisse des dépôts et consignations ne se soucia pas de rester à découvert, et au lieu de continuer ses emplois de fonds, elle préféra en laisser la plus grande partie au trésor. Voilà donc l’institution retombée, à peu de différence près, sous le régime vicieux de 1835. Les administrateurs conviennent eux-mêmes que cet état de choses n’est pas régulier. Pour rétablir l’équilibre, il est question d’employer dans un avenir prochain 100 ou 150 millions provenant des caisses d’épargne. Nous croyons que le choix des administrateurs n’est pas fixé sur l’exercice qu’il conviendrait d’imprimer à cette masse de capitaux.

Pour mieux juger la situation financière de nos caisses d’épargne, il faut la placer en face de ce qui existe de l’autre côté du détroit : les caisses d’épargne d’Angleterre, d’Écosse et d’Irlande réunies, possèdent aujourd’hui plus de 650 millions ; celles de France n’en ont pas plus de 360. La différence en moins provient de la lenteur avec laquelle, pendant les premières années, l’institution s’est développée dans les départemens. La France, demeurée un instant au-dessous de ses industrieux voisins, tend à reprendre son rang : l’augmentation