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De plus, il ne faut pas oublier que l’école d’Alexandrie a des liens avec d’autres écoles antérieures ou contemporaines, celle de Philon le Juif, celle d’Alcinoüs, celle de Numénius d’Apamée, et que l’on trouve dans ces trois écoles des systèmes trinitaires qui ne sont pas sans analogie et qui n’ont pas été, à coup sûr, sans influence sur les doctrines qui ont suivi. Or, qu’est-ce qui donne le droit à un historien philosophe de penser que cette vaste élaboration à laquelle l’idée de la Trinité a été soumise pendant près de quatre siècles n’ait eu aucune action sur la formation et le développement de la Trinité du christianisme ? Absolument rien, que nous sachions, et il y a, selon nous, des preuves décisives du contraire.

La question a été mal posée. Il ne s’agit pas de savoir si le christianisme, arrivé à un certain point de son développement, s’est trouvé en possession d’une doctrine différente de celle d’Alexandrie, il s’agit de déterminer l’influence qu’Alexandrie a certainement exercée sur la formation du christianisme et sur son organisation définitive. Oui, sans doute, si l’on suppose que la religion chrétienne s’est formée en un jour, qu’elle a possédé dès les premiers siècles une doctrine parfaitement positive et complète, que l’œuvre des apôtres, des pères et des conciles, a été une œuvre d’éclaircissement et de définition, et non une œuvre d’organisation interne et de successive création, alors la question de savoir si Alexandrie a influé sur le christianisme est merveilleusement simple ; elle est tranchée par la date seule d’Alexandrie, et il suffit de savoir que Plotin est postérieur à Jésus-Christ et à saint Paul. Mais cette supposition, de la part d’un critique et d’un philosophe, est parfaitement gratuite, et nous ne croyons pas qu’elle résiste à l’épreuve d’un examen sévère des faits.

Pour ne parler en ce moment que du dogme de la sainte Trinité, il nous semble que les preuves dont on se sert pour établir qu’il était parfaitement arrêté avant la naissance de l’école d’Alexandrie sont singulièrement insuffisantes. Ce sont, en général, des passages des premiers pères de l’église, où se trouvent nommés le Père, le Fils et le Saint-Esprit. Ces énumérations ne prouvent rien. Il ne s’agit pas d’établir que les chrétiens ont eu dès les premiers siècles une Trinité. Chaque secte religieuse, chaque école de philosophie, avait alors la sienne. Ce qui pourrait caractériser la Trinité chrétienne, ce serait la détermination précise de la nature et de la fonction propre de chacune des trois personnes divines et l’exacte définition des rapports qui les enchaînent l’une à l’autre. Il faudrait prouver, par exemple, que l’égalité absolue, que la consubstantialité des trois personnes de la sainte