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petits états d’Allemagne ? Par malheur, ce mur était en même temps une frontière, ce qui détruisait toute l’analogie. La question, au lieu d’être domestique, devenait européenne, et touchait par tous les points à la politique. Il en résulta qu’au lieu d’un seul obstacle, provenant de l’inertie de notre système prohibitif, le projet d’union douanière en rencontra deux dont on ne pouvait espérer de vaincre la résistance combinée. Les Belges demandaient que notre cabinet signât sur l’heure un pacte de famille d’un nouveau genre, sans s’inquiéter des jalousies étrangères. Pour conclure une affaire aussi délicate, il fallait être prêt de toutes les façons à en soutenir les conséquences. L’union douanière devait donc manquer. Le plus grand tort qu’on ait eu, ç’a été de laisser croire qu’elle était immédiatement possible. L’opinion qui, dans les deux pays, avait accueilli cette idée avec trop de passion, la tenant pour perdue sans retour, a cessé tout d’un coup de s’y intéresser. On est allé à l’extrémité contraire : pour nous, nous n’avons partagé ni cet excès d’enthousiasme, ni cet excès de découragement, et nous le déclarons ici en réfléchissant sérieusement à la situation de la Belgique, la pensée de l’union douanière peut être reprise, pourvu qu’on lui laisse le temps qu’exige le développement de toutes les grandes choses, pourvu que le gouvernement sache saisir les occasions et sache aussi les attendre, et qu’il se trace enfin une ligne de conduite qu’il ait la constance de suivre. Porté sur le terrain de la politique qui agit à propos et adapte les faits à un plan prévu, le problème de l’union douanière est encore d’une solution possible.

Ainsi il y aurait à présent quelque chose à faire. La rupture des négociations avec l’Allemagne vient de jeter le plus grand trouble dans toutes les opinions en Belgique ; il faudrait savoir en profiter et se hâter d’offrir aux industries belges, sinon la réalité immédiate, du moins la perspective des avantages que la Prusse leur a refusés. Toute avance venant de la France serait reçue avec gratitude dans un moment où les deux grandes espérances de l’industrie belge, l’union douanière et l’alliance avec le Zollverein, ont abouti coup sur coup à une déception amère, où sa situation est vraiment critique, comme le prouve bien la nouvelle attitude prise par les partis et par le gouvernement dans la question vitale des débouchés extérieurs. Le gouvernement espère encore que la Prusse reviendra sur la mesure violente qu’elle a adoptée, et que le droit de 50 pour 100 sur les fers et les fontes belges sera rapporté. Il négocie dans ce sens, et il est possible en effet qu’il parvienne à obtenir de la Prusse le rétablissement de l’ancien tarif ; mais ce n’est pas l’égalité de traitement, c’est une faveur qu’il demandait avant la rupture. Or, il est évident que, si la négociation est ramenée à ce point, le même obstacle se représentera. La Prusse a agi sans colère dans cette circonstance ; elle a sacrifié l’alliance belge aux nécessités d’un système patriotiquement prohibitif qui lui mérite la reconnaissance du Zollverein. Si elle se radoucit, elle n’ira jamais jusqu’à protéger les fers belges au détriment