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Les troupes impériales vinrent enfin mettre le siège par terre et par mer devant la ville insurgée. Cerné de toutes parts, le mulâtre Sabino organisa une vigoureuse défense ; toute la population libre ou esclave s’unit à lui, et ce ne fut qu’après quatre jours d’assaut que les troupes purent occuper Bahia. Sabino, voyant que la résistance devenait impossible, voulut incendier la ville ; on mit le feu dans tous les quartiers, mais les troupes purent l’éteindre, et Bahia échappa à une entière destruction. Traqué par les vainqueurs, le chef des rebelles chercha un refuge chez le consul de France ; mais à peine y était-il entré, que les soldats envoyés à sa poursuite vinrent le réclamer : n’obtenant aucune réponse, ils pénétrèrent dans la maison du consul, et Sabino, qui s’était jeté tout nu sous un lit, fut arrêté. Le gouvernement, satisfait de son triomphe, ne se crut pas assez fort pour sévir contre les rebelles. On accorda une amnistie à tous ceux qui firent leur soumission, et Sabino fut envoyé dans la province de Matto-Grosso, où il jouit en ce moment d’une entière liberté.

La question soulevée à cette époque se représentera quelque jour, et le chef des insurgés de 1838, homme jeune encore, pourra bien causer de nouveaux embarras au gouvernement. C’est de Bahia que partira, sans aucun doute, le premier cri de révolte contre la centralisation de Rio-Janeiro. Le nombre des mulâtres s’accroît à Bahia dans une proportion menaçante, autour d’eux se groupent tous les nègres qui parviennent à se racheter par leur travail, et cette population farouche ne subit qu’à regret la domination des blancs. Un nouveau massacre des Portugais établis dans la province sera le signal de désordres que le ministère brésilien aura peine à réprimer : la saisie d’un bâtiment négrier par les Anglais, sur les côtes du Brésil, peut d’un jour à l’autre provoquer une terrible explosion. En effet, ce que les hommes de couleur reprochent aux Portugais, c’est moins de maintenir l’esclavage que de ne pas défendre leurs droits contre les exigences de l’Europe. Aussi dans toute l’étendue non-seulement de la province de Bahia, mais de l’empire, les Anglais, qui ont eu de nombreux démêlés avec le gouvernement brésilien, sont abhorrés, et si une révolution amenait une république fédérative, les négocians de cette nation seraient forcés de s’éloigner pour sauver leur existence. Les Français jouissent de plus d’influence personnelle et obtiennent plus de confiance ; leur vie serait protégée, mais leurs intérêts auraient à souffrir d’une révolution qui tendrait à isoler le Brésil de l’Europe et constituerait sous le titre de république un gouvernement incapable d’inspirer la confiance au commerce. Tous les hommes influens de Bahia ne peuvent songer sans