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tristesse à l’avenir de leur pays ; le président de la province lui-même convient qu’il est impossible de prévoir la fin des convulsions intérieures au prix desquelles le Brésil a acheté l’indépendance. Le gouvernement voit le mal, les autorités le signalent ; l’assemblée de la province propose des résolutions, on va même jusqu’à en adopter, jamais on ne les exécute. Si quelque faute est commise, c’est à l’influence des étrangers qu’on l’attribue. On semble attendre les réactions, on les prépare, tandis qu’il serait possible encore de les prévenir en développant la prospérité matérielle, en assurant le bien-être et le calme à une population inquiète et misérable.

Le président de Bahia, dans un de ses rapports à l’assemblée provinciale, observe que le commerce, depuis la rébellion du 7 novembre 1837, a été chaque année en décroissant. Les autres provinces ont dû, en effet, chercher à Rio-Janeiro les produits que le blocus les empêchait de demander à Bahia. Les menaces dont plusieurs négocians portugais ont été victimes ont contribué aussi à la stagnation des affaires : la culture a diminué comme le commerce. Aujourd’hui, pour qu’un navire marchand complète son chargement, il doit attendre près de trois mois ; ce surcroît de dépenses ne peut être comblé que par d’immenses bénéfices : toutes ces causes réunies ont amené les résultats signalés dans le rapport du président. La valeur des importations d’Europe s’est élevée de 1840 à 1841, pour la province de Bahia, à environ 22 millions de francs ; les exportations n’ont pas dépassé 19 millions. De 1841 à 1842, l’importation s’est élevée à 23 millions, l’exportation seulement à 15 millions. Les revenus de la douane ont également subi une notable décroissance en 1840 ; malgré l’élévation des tarifs sur les vins, ils avaient dépassé 540,000 francs ; en 1841, ils tombaient à 420,000 francs, et le ministre des finances, dans son rapport au congrès, annonçait une nouvelle diminution pour 1842.

Parmi les bâtimens d’Europe qui touchent à Bahia, beaucoup sont destinés à la côte d’Afrique, et viennent compléter leur chargement en achetant du rhum et des liqueurs fortes, avidement recherchées par tous les nègres de la côte. Les mesures prises contre la traite expliquent en partie l’état d’abandon dans lequel languit Bahia. D’après les traités du Brésil avec l’Angleterre, le commerce des esclaves ne devrait plus exister ; mais favorisé par les autorités du pays, offrant des bénéfices hors de toute proportion avec les risques à courir, ce commerce n’est nulle part aussi actif qu’à Bahia. Des goëlettes d’une marche supérieure, construites aux États-Unis, sont employées à ce trafic. Une goëlette, dont la valeur avec son chargement était estimée à cent mille